13 août 1961 - 9 novembre 1989 : il dut y avoir des milliers de Berlinois de l’Est, nés et morts, avec pour horizon limité “Die Mauer”, ce béton de 160 km de long par 3 mètres de haut, qui devait les empêcher de s’enfuir du “paradis socialiste”. Aveu par l’absurde, affiche gigantesque et tout aussi improbable, de la déclaration de faillite philosophique d’une utopie mortifère.
À la Maison de l’histoire de Leipzig, une expo permanente sur l’histoire de l’ancienne RDA (République démocratique allemande) montre cet ancien monument de Marx et Engels souligné du graffiti : “Wir sind unschuldig”. Les théoriciens de l’idéal socialo-communiste étaient innocents bien sûr, absolument pas comptables des dérives totalitaires et des sorties de route économiques de leurs émules du 20ème siècle.
Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao, Castro et d’autres moins célèbres mais tout aussi funestes, ne présenteront jamais d’excuses aux centaines de millions de “prolétaires de tous les pays” qui en seront quittes pour le serment : “Sozialismus Nie Wieder”.
En ce 35ème anniversaire de la Chute du Mur de Berlin, diverses manifestations se greffent sur la célébration. Regarder en 3D le Berlin de 1985. S’immerger dans la “Hauptstadt der Spione” sur les traces de tous les James Bond de la guerre froide qui ont fait la gloire de “Check Point Charlie”.
Et, auto-dérision sur petit fond de nostalgie, plusieurs rendez-vous avec la DDR (Deutsche Demokratische Republik). Certes, il y eut la “grande évasion” du 10 novembre 1989, quand le Politburo annonça l’allègement des restrictions de voyage imposées aux Allemands de l’Est, “avec effet immédiat”. Mais, le quotidien ouest-allemand Bild, posté à Helmstedt, devait se moquer de ce flux ininterrompu de “Trabis, Trabis, Trabis”, diminutif affectueux de la Trabant, 2 cylindres 2 temps emblématique de l’industrie automobile d’Allemagne de l’Est.
Pour les “Ossis”, la désillusion fut cruelle et sans doute humiliante. Dès mi-février 1990, le photographe Martin Jehnichen captura un tag sans équivoque à Leipzig: “Bundi Go Home”. Bundi, étiquette des ressortissants de la Bundesrepublik triomphante, qui annexera bientôt purement et simplement la DDR. Prolétaire, le cousin de l’Est se découvrit pauvre une fois extirpé de la grise uniformité de l’égalité des classes.
L’ancien Chancelier Helmut Kohl avait imposé une réunification à marche forcée, qui fit même peur à certains “Alliés”. Dans les relations germano-germaniques, entre le “Helmi Go West” et le “Helmut, nimm uns an die hand, zeig uns den weg ins Wrischaftswunderland”, combien de temps se sera-t-il écoulé. Celui de recouvrer sa lucidité et de se draper de dignité sarcastique.
“Prends-nous par la main, et mène-nous au pays des merveilles”… Beaucoup, dit-on, perdirent au change avec le tout-puissant Deutsche Mark, première monnaie européenne de son époque. Nombreux, raconte-t-on encore, qui regrettèrent leurs vieux repères, même désuets : “Was soll bleiben ?”. Que peut-on sauver du monde d’hier qui ne soit pas idéologiquement en fraude.
Plus de 3 millions d’Allemands de l’Est avaient déjà quitté la RDA, avant août 1961. Et jusqu’en 1989, au moins 139 personnes moururent assassinées dans le no man’s land socialiste hérissé de miradors et couronné de barbelés.
De vieux films donnent la mesure de la folie schizophrénique alors à l’oeuvre : des Berlinois de l’Est qui forcent le passage par l’une des dernières fenêtres donnant encore à l’Ouest, retenus contre leur gré par des policiers est-allemands, mais irrésistiblement tirés vers la liberté par des dizaines d’autres bras. Et la caméra occidentale qui filme cet ouvrier qui s’applique à mettre la dernière brique qui le calfeutrera lui-même jusqu’au 9 novembre 1989.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja