Ironie de l’histoire, les parlements malgache et français votent en même temps ou presque le budget. C’est juste un hasard du calendrier, puisque la coïncidence s’arrête au chronogramme. Pour la simple raison que si, en France, le projet de loi de finances présenté par le Premier ministre Michel Barnier risque de ne pas être adopté, ici depuis le retour de l’Indépendance, aucun budget n’a jamais été rejeté ni à Tsimbazaza ni au Sénat, quel que soit le régime. Il y eut des velléités de contestation mais c’était plus pour faire monter les enchères que par un souci de préserver l’intérêt supérieur de la nation et celui de la population. Le budget passait comme une lettre à la poste pendant l’époque révolutionnaire où l’Assemblée était qualifiée de croupion, étant donné qu’il n’y avait pas un seul député de l’opposition. La parenthèse de la présidence du Professeur Albert Zafy était source d’espoir, lui-même étant victime d’un empêchement par l’Assemblee nationale, mais cela n’a duré que le temps d’un mandat écourté. Par la suite, le Parlement est redevenu ce qu’il a toujours été.
La loi de finances est un document volumineux et compliqué à comprendre. D’habitude, le gouvernement ne transmet le Projet de loi de finances à l’Assemblee nationale que pendant les derniers jours de la session budgétaire pour qu’on l’adopte les mains levées et les yeux fermés, faute de temps, sinon de la compétence nécessaire pour la disséquer. Cette année, le document est arrivé tôt à Tsimbazaza mais les députés ont décidé de prendre du temps. Le projet est ainsi passé en travaux de commission hier avant le vote prévu vendredi. On peut donc gager que les députés ont pris la peine de passer au crible ce budget dans lequel il y a beaucoup à dire entre les objectifs annoncés de l’État et l’esprit de ce projet de loi de finances.
Mais il est impensable que le budget tombe à l’eau. Peut-être quelques amendements pour la forme. La marge de manœuvre des députés est très mince dans la mesure où ce projet de loi de finances a été taillé sur mesure pour répondre aux exigences des bailleurs de fonds. Néanmoins, il est toujours intéressant de voir les députés émettre des réserves et de proposer des amendements au nom de l’exercice démocratique, même s’il est trop beau de rêver à un rejet du budget comme cela pourrait être le cas en France. C’est d’autant plus vrai que le budget est le moyen avec lequel l’État compte réaliser sa politique et gérer les affaires du pays. Sans budget équivaut à sans salaire pour les fonctionnaires, sans pension pour les retraités, sans remboursement des frais de santé… Autrement dit, le fonctionnement de l’État est paralysé.
On n’en sera jamais à cette situation extrême, c’est juste pour réaliser l’enjeu de cette guerre des nerfs entre les députés et le gouvernement.
Sylvain Ranjalahy