Le gouverneur Ramasina de Mahajanga. |
Durant son voyage autour de l'Afrique dans les années 1873-1875, le commandant allemand de la corvette autrichienne « Helgoland », l'enseigne de vaisseau Leopold von Jedina, fait un petit détour à Nosy Be Hell-ville alors dépendante de Mayotte, puis à Mahajanga.
Le lendemain de son arrivée dans cette dernière ville, divisée en deux parties bien distinctes, il est reçu avec ses proches collaborateurs dans la ville haute par le gouverneur merina, Ramasina. Ce dernier est entouré de son état-major en grande tenue. Comme la veille, Leopold von Jedina décrit avec force détails celle-ci.
« Le gouverneur portait un frac de velours noir, un chapeau avec une cocarde française et des épaulettes de marine anglaise. Mon ami André Ambolahery, directeur de la douane (lire précédente Note) n'avait qu'un simple vêtement brun et une casquette d'ordonnance d'officier (…). Le commandant en second des troupes était dans son uniforme madécasse de velours bleu et avec le chiffre de la Reine sur des épaulettes informes. Les autres avaient les livrées et les uniformes les plus variés avec des coiffures de toutes pièces, y compris le drapeau italien à la Garibaldi. »
Les saluts militaires achevés, le gouverneur ordonne à tous de se tourner vers le flanc gauche de la butte dans la direction d'Antananarivo et fait présenter les armes en l'honneur de la reine Ranavalona II. « Misaotra Ranavalona Mandjaka - Vive la reine Ranavalona », s'écrie-t-il. Et chacun de s'incliner de ce côté, plein d'une crainte respectueuse.
Puis le gouverneur demande le nom du monarque de ses hôtes, commande une conversion à droite dans la direction où se trouve l'Autriche, et fait à nouveau présenter les armes en l'honneur de l'empereur vazaha. Le même rituel est effectué une troisième fois en l'honneur des visiteurs. Puis l'hymne national merina est de nouveau joué comme au débarcadère. Une petite réception est offerte par le gouverneur Ramasina dans sa maison.
Après divers toasts dans lesquels, à l'imitation des usages anglais, le gouverneur de Mahajanga porte le premier toast à sa propre reine. Par la suite, il insiste pour inviter ses hôtes le lendemain. Escorte et musique reconduisent les Allemands aux canots, renouvelant tous les honneurs à leur débarquement.
Le lendemain, le gouverneur Ramasina et sa suite reçoivent Leopold von Jedina et ses proches collaborateurs, en tenue de ville. Si les vêtements sont tout à fait usés, ils sont armés de sabres étincelants qu'ils placent à leur côté avant de s'asseoir. La table est dressée entièrement à l'européenne et même les serviettes ne font pas défaut. Le service de table provient sans doute « de quelque vaisseau de guerre anglais » car l'on y reconnaît des emblèmes de marine.
Deux dignitaires servent les mets dont les restes constituent les repas des servantes accroupies dans un coin de la salle. La base du repas est le riz, servi dans deux grands plats. Il est accompagné d'innombrables rôtis et de mets au curry très bien préparés. Comme boisson, le vin d'absinthe coule à flots, que les Hova, « en général très sobres », selon l’Autrichien, semblent aimer beaucoup.
Naturellement, les toasts ne font pas défaut. « Un grand général d'artillerie, entre autres, prononça un long discours accompagné de gestes les plus passionnés et vaincu enfin par l'émotion ou par l'absinthe, le termina brusquement par un veloma-toast assourdissant. »
Comme de nombreux dignitaires parlent un peu l'anglais et le français, une conversation animée s'engage après le repas. Pourtant, elle ne permet pas aux visiteurs d'apprendre quelque chose sur Madagascar. « La méfiance à l'égard des étrangers semble être un des caractères propres à la nation; méfiance d'ailleurs assez naturelle à cause des désirs d'annexion que les Européens, les Français surtout, ont témoignés à diverses reprises à l'endroit de l'île. »
Cependant, Chip Abdallah, le vieil Arabe qui est le chef de la ville basse et l'homme de confiance du gouverneur, donne aux visiteurs allemands quelques indications intéressantes sur l'armée hova et sur le gouverneur. Celui-ci a été envoyé de Toamasina afin de mater les Sakalava qui s'insurgent contre l'autorité merina et pour « donner à la fertile partie occidentale de Madagascar, un régime régulier nécessaire à son développement. » Son titre officiel est « 14 honneurs, aide de camp du Premier ministre, gouverneur de Majunga ».
Pela Ravalitera