Cette langue poétique qu'est le malgache

Les Kabary d'Andrianampoinimerina sont toujours très imagés.

La Mythologie malgache raconte que le fils du géant Rapeto lui demanda un jour, de cueillir la lune pour en faire son jouet. Poussé par l'amour de ce fils qu'il adorait, Rapeto dont la tête touchait le ciel, partit vers l'Ouest le jour de la pleine lune... Son fils attendit vainement son retour... Au moment où le géant arrachait la lune à la voûte céleste, il se produisit un grand cataclysme universel: les continents se rompirent, le déluge commença. Rapeto qui soutenait le ciel de sa tête, s'arc-bouta et appuya solidement son pied gauche sur la terre d'Afrique. L'empreinte de ce pied géant sculpté dans l'océan Indien forma l'ile de Madagascar: l'orteil dirigé vers le Septentrion, le talon se trouvant au Sud. »

Pour le Dr Tsimaha-fotsy Randriamaro, de l'Université de Montpellier (1963), c'est ainsi que les vieux Malgaches expliquent l'origine de la Grande ile. Comme la philosophie et la sagesse malgaches se révèlent à travers des légendes et des proverbes qui témoignent d'une grande clairvoyance, « celui qui scrute longuement la ­­vérité en découvre toute la portée ». 

Cette sagesse se retrouve au fond de tous les peuples quelle que soit leur langue, car « les êtres humains sont comme les courgettes d'un seul plan de courges, mêmes racines et tiges pour les corps et les âmes ».

Le Dr Randriamaro recueille plus de quatre mille Ohabolana, dont environ deux cents ont trait à la Médecine. Mais, dit-il, « les traductions que­­ je vous en donnerai sont fort imparfaites » Selon lui, il est, en effet, impossible de rendre dans une langue occidentale, « l'humour si différent de nos pays tropicaux, les jeux de mots, le sens des rythmes sont intradui-sibles » .

Il est certain que le vocabulaire malgache est, par lui-même, poétique et métaphorique. L’auteur de l’étude des Ohabolana malgaches cite, en exemples, le soleil qui est l'œil-du-jour (masoandro), la lune qui est le mois (volana), la prunelle est le prince de l'œil (anankan-driamaso), la colline est l'enfant de la montagne (zana-bohitra) , la voie lactée est la liane céleste (vahindanitra), les doigts sont les branches de la main (rantsan-tanana), le mica est le miroir des corbeaux (vohondranon-goaika), la splénomégalie est l'œuf de la fièvre (atodin-tazo), etc.

Le Dr Randriamaro illustre ses propos en citant quelques passages du dernier Kabary du grand roi Andrianam-poinimerina, qui renferme les ultimes recommandations à son peuple et à son fils   Laidama.

« Voici venir les signes de l'évolution fatale de ma maladie... La volonté du Créateur m'appelle au Ciel (lois divines). Ma chair sera mise en terre, mais mon âme et mon esprit murmureront toujours auprès de vous, oh! mes chers amis, parents et toi mon fils Damalahy... Préservez-le de tout danger: veillez à ce qu'il ne fasse rien les jours néfastes car la volonté de l'homme est vaine quand on est dépassé par les évènements. Ne faites pas obstacle aux élans de son cœur: on n'arrache pas à l'enfant la gâterie qui lui fait plaisir. »

Puis s'adressant à son fils, le roi déclare: « Ne cherche pas querelles aux tiens et n'excite pas à la violence tes esclaves... Comment juges-tu ma puissance et ma célébrité?... Tu n'es pas né comme tous les êtres humains, tu es sorti de ma bouche: La violence ne vaut pas les bons sentiments... il y a la douceur dans la plus grande amertume... Ne garde pas dans ton cœur ce qui te chagrine... Les morts ont des répondants, les vivants des ombres, les enfants continuent leur père... Le nom d'un père célèbre est un lourd fardeau. » Cependant comme paradoxe, « il est fou celui qui ne dépasse pas son père dans la vie ».

Le Dr Randriamaro en tant que médecin, voit dans ce discours un « problème troublant du génétisme et du psychosomatisme ».

Pela Ravalitera

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