À l’époque qui a occupé une grande portion du XVIIIè siècle, qu’une foi inébranlable en la grandeur de la raison a qualifiée comme étant celle des “Lumières”, le progrès a été un des dogmes auxquels l’éternelle quête de sens s’est appuyée. On croyait alors que le développement de la science et du savoir était le bon trajet à suivre pour arriver au bout de la course au bonheur. Plus le chemin parcouru est long, plus les techniques vont faire de l’homme le “maître et possesseur” de la nature selon les vœux de Descartes. Mais aujourd’hui, alors qu’on traverse une ère inédite où les technologies ont atteint un sommet qu’on n’imaginait pas à sa portée il y a quelques décennies, le scepticisme est de mise.
Si la plupart des penseurs des Lumières avaient un regard optimiste et favorable à l’épanouissement continu des sciences et techniques, rempli des promesses de l’amélioration de la vie, le savoir allant petit à petit ouvrir le voile qui entretient les mystères qui entourent les lois de l’univers, l’histoire, avec ses drames et atrocités, semble cependant vouloir secouer les fondements de cette conviction. La célérité caractéristique de la croissance des connaissances a bien offert à l’homme, naturellement fragile, le feu de la technique, selon le récit mythologique mettant en scène Prométhée qui fit ce don précieux à l’humanité, fut comme le sceptre qui symbolise le pouvoir sur le monde qu’on soumet à notre volonté. Et l’abus a ensuite façonné des tyrans.
L’homme a, encore plus, dévoilé son côté obscur quand il s’est laissé emporter par cette ivresse que lui donne un excès de sciences et techniques. Le progrès a engendré les armes et moyens les plus criminels. C’est parce que certaines lois physiques sont connues qu’elles ont été mises au service de la nature meurtrière de l’homme. C’est ainsi que des épisodes tragiques dont se souviennent encore les villes d’Hiroshima et Nagasaki sont les fruits du dévoilement des secrets de la fission nucléaire. Le progrès de la connaissance est à l’origine de nombreux traumatismes comme ceux laissés par les chambres à gaz. La planète dépouillée de ses richesses (animales, végétales, minérales,…) par homo sapiens (sapiens = sage = intelligent) est une victime parmi beaucoup d’autres dont le propre cerveau humain.
Un jour de 2 septembre comme aujourd’hui, celui de l’année 1969 plus exactement, le premier réseau d’ordinateurs interconnectés a été établi et la suite appartient à l’histoire qui a vu l’émergence d’une dépendance à internet, héritage de cet “exploit” informatique. Et piégé dans cette toile, l’individu a confié les tâches les plus élémentaires à la machine et à l’intelligence artificielle qui ont grignoté les qualités cérébrales acquises depuis la révolution cognitive, ce tournant fondateur qui a vu les neurones subir une sorte de choc électrique qui leur a donné les grands adjectifs qui vont faire leur grandeur : analytique, logique, rationnel, abstrait,… et qui sont menacés maintenant qu’ils ne sont plus sollicités.
L’avancée du savoir a donc aussi vu la récession de l’éthique qui se trouve dans la nécessité de suivre le rythme infernal de la science ou, au moins, éviter le chemin du déclin qui se manifeste par une perte de l’empathie et de la pitié, ces valeurs que Rousseau a mises en avant comme étant celles de l’homme pas encore corrompu par la société.
Fenitra Ratefiarivony