Quand on avait la chance d’être bercée par une grand-mère, on pouvait s’endormir «am-babena» au son de «Iny hono izy, Ravorom-bazaha, ento manaraka anao any an-tsaha, raha mangiana avereno». L’autre comptine, «Ao anaty ala, voro-marobe» pourrait dans un futur proche ressembler à une invocation de nos chers disparus : Fodilahy, Railovy, Kankafotra... Et combien des oiseaux récités dans les «Anganon’ny Ntaolo», recueillis par le missionnaire norvégien Lars Dahle vers 1877, survivront à notre espèce humaine anthropocène : Vorondolo, Vorondreo, Vintsy, Soimanga, Tsikirity...
Une bonne information-éducation-communication passe par l’usage des noms vernaculaires plutôt que le jargon latin comme Mesitornithidae, Brachypteraclidae, Philepittidae, Leptosomatidae, Vangidae, Bernieridae, Pycnonotidae, Timaliidae, Sylviidae, Eurylaimidae. À peine moins intelligibles que «héron à crabier blanc», «grèbe malgache», «râle malgache», «newtonie de Fanovana»...
En juin 2023, Ihoby Rabarijohn lançait un premier cri «Antson’ny tontolo miaina», qu’elle traduisit par «interpeller le vivant», mais que j’entends déjà comme «interpellation par les survivants». Nous savons tellement, et depuis longtemps, ce qu’il nous faut faire : préserver les zones humides et sauvegarder la forêt. Les 130.000 hectares d’Ankarafantsika-Ampijoroa abriteraient 129 espèces d’oiseaux, dont 75 endémiques ; à Ranomafana, 77% des 114 espèces d’oiseaux présents sont endémiques ; Masoala, la plus grande aire protégée de Madagascar, offre encore son sanctuaire à 102 espèces d’oiseaux dont 60% endémiques...
À Madagascar, le mot «Papango» désigne à la fois l’oiseau de proie et le cerf-volant. Comme au Cambodge, comme chez les Joraï, austronésiens du Vietnam, comme chez les Palawan. Suivant «l’hypothèse d’une relation privilégiée existant physiquement et intellectuellement entre hommes et femmes d’une part et oiseaux de l’autre dans la plupart des sociétés d’Asie du Sud-Est qui paraissent accorder en général une plus grande importance aux oiseaux qu’aux mammifères et aux autres animaux», je vois les ailes de l’oiseau austronésien plutôt que des cornes (du zébu tardif), et encore moins les mains très ultérieures de Fatima, dans le «V» qui coiffe nos toitures.
«Ny Vorontsika», c’est l’oiseau mythique des tambours de bronze au Vietnam, l’oiseau du paradis en Papouasie Nouvelle-Guinée, le paon combattant de Birmanie, le Garuda de Thaïlande et d’Indonésie. Et bien sûr, le «Voron-tsaradia» ou l’Ankoay d’Air Madagascar, que chante si bien Érick Manana : «Vorombe tsaradia».
Il n’est pas trop tard, à partir de ce 27 septembre, pour le public de répondre à «Antson’ny Tontolo Miaina» qui prolonge son exposition à la Zone Zital d’Ankorondrano. «Nos Oiseaux», et soudain un cri. De détresse.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja