Dogmatiques contre fanatiques au Moyen-Orient

La «paix d’Abraham» était en vue. Une paix entre plusieurs États arabes et Israël. Des extrémistes palestiniens n’en voulaient pas et ils l’ont délibérément sabotée en lançant l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, dont le compte-rendu a été donné par la Cour internationale de Justice : «Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes armés présents dans la bande de Gaza ont mené une attaque en Israël, tuant plus de 1200 personnes, en blessant des milliers d’autres et emmenant quelque 240 otages». Ceux qui avaient planifié cette attaque s’attendaient à une réaction très violente d’Israël. Pire, ils avaient compté sur une réaction très brutale d’Israël. Leurs voeux furent exaucés. Quand les victimes civiles palestiniennes se comptent par dizaines de milliers, la rue arabe n’allait plus faire la paix avec l’ennemi juif.

Il y a dix ans, dans une Chronique du 16 juillet 2014, j’avais conclu à un «équilibre de l’absurde en Palestine». Un absurde mortifère, un absurde suicidaire, un absurde dangereusement contagieux.  

Dimanche 13 juillet 2014, peu avant midi : le JT annonce que Tsahal a prévenu les habitants de Gaza de l’imminence d’un bombardement massif, les invitant à quitter leurs maisons. Les journalistes parlent de carrioles attelées à la hâte, de bagages à dos d’ânes, de balluchons de PPN. 

Et repasse le film de ces interminables colonnes de civils que chaque guerre jette sur les routes : les Portugais de Coimbre fuyant devant les troupes de Massena en 1811, les Français paniqués sous les raids en piqué des Stukas en 1940, les Allemands de la Volga déportés par Staline vers la Sibérie en 1941, les Bosniaques tentant d’échapper au nettoyage ethnique de 1992, les Tutsis rescapés du génocide de 1994 en route pour le Congo ou la Tanzanie, les Maliens pris en tenaille entre les islamistes d’Aqmi et les rebelles Touaregs depuis 2011. Les années passent, l’image de la désolation civile reste : ânes, carrioles ou pick-ups, ce sont toujours des montures de fortune bien au-delà de leur PTC (poids total en charge), emmenant au loin les pauvres vestiges d’une vie antérieure, qu’escortent une foule de femmes, d’enfants et de vieillards, en route vers un camp de réfugiés ou simplement une zone d’accalmie. 

N’oublions pas non plus le drame des Arméniens du Haut-Karabakh, chrétiens abandonnés par la Russie orthodoxe, déjà qu’ils auraient pu difficilement compter sur une Europe, elle-même hésitante quant à ses racines chrétiennes. L’Arménie, premier royaume chrétien, quand le roi Tiridate IV se fit baptiser entre 301 et 314, se retrouve bien seule dans l’indifférence des médias planétaires et de l’opinion publique internationale. Les convois de civils arméniens chassés du Haut-Karabakh font rarement la Une des journaux. 

Dimanche 13 juillet 2014 : les femmes, enfants et vieillards palestiniens de la bande de Gaza avaient dû fuir leurs habitations au petit matin. Tsahal avait prévenu de son raid dans la matinée. Au début de cet énième conflit israélo-palestinien, qui dure tout de même depuis près de 70 ans (NDLR : en 2024, cela fait quatre-vingts ans), le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou avait évoqué un «fossé moral» entre «eux» et les «autres». En vérité, les extrêmes se sont rejoints dans ce conflit interminable creusant un fossé, mais seulement entre le camp de la paix et de la normalité, d’une part, et le camp de la guerre et de la morbidité, d’autre part (cf. Chronique VANF, «Serons-nous assez sages ?», 09.07.2014). Qui a commencé, et quand ? Qui continue, et pourquoi ? Que ne pas faire, et comment ?

Les reportages établissent le décompte macabre des victimes civiles palestiniennes (70% des pertes dit-on), dommages collatéraux des «frappes chirurgicales» israéliennes, tandis que les roquettes tirées par le Hamas empruntent des trajectoires fantaisistes, semblant trop folkloriques pour passer au travers du «dôme d’acier» dont Israël s’est recouvert (NDLR : le 5 novembre 2023, Tsahal annonçait une première mondiale, quand Israël abattait un missile balistique Qader tiré depuis le Yémen, situé à 2200 kilomètres, grâce à l’intercepteur Arrow 2 block 4).

La supériorité morale ne peut aller au camp qui ne déplore aucune victime surtout que son adversaire pleure la mort de dizaines d’enfants. Mais, l’entêtement des plus fanatiques islamistes à nier l’existence de l’État d’Israël est d’autant plus mortifère que les djihadistes se fondent dans la population civile palestinienne et s’en servent comme d’un bouclier humain. La supériorité morale ne peut non plus aller à une engeance, facilement qualifiable de «terroriste», qui plastique des bus ou envoie des kamikazes se faire exploser sur une place de marché. Cet équilibre de l’absurde ne se résoudra que par l’extermination de l’un ou de l’autre, dogmatiques contre fanatiques, ce que notre époque moderne ne laissera certainement pas se commettre ; ou par la reprise du dialogue qu’avaient amorcé Itzhak Rabin et Yasser Arafat, voilà déjà vingt ans (NDLR : en 2024, cela fait 30 ans).

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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