Rire ou s’indigner. Mais, le ricanement aurait participé d’une insoutenable légèreté alors que le moment est grave. L’Assemblée Nationale, à la réputation déjà passablement malmenée depuis une trentaine d’années, n’avait certainement pas besoin de ce ridicule supplémentaire. Après ce péché originel, fasse que cette législature n’accouche pas d’une loi scélérate sous la pression de lobbys divers et variés.
Mais, d’abord, pourquoi avoir ressenti le besoin de prononcer un discours en français ? L’Assemblée Nationale est une des institutions de l’État et les PTF auraient absolument compris que l’on honore le «malagasy», langue nationale fixée par l’article 4 de la Constitution de 2010.
Au fait, pourquoi en français, ici ? Le français est encore mon domaine de moindre ignorance. Et, en l’occurrence, c’est presque un manifeste afin de ne pas passer pour les derniers de la classe, toutes matières confondues.
L’apparition au perchoir d’un français de type «Tintin au Congo» doit nous interpeller autrement sur l’état de l’instruction publique, surtout loin des grands centres urbains. Quelle relève avons-nous assuré à ces grands anciens tout juste CESD (Certificat d’études du second degré), mais qui lisaient Le Monde et écoutaient Radio France ?
Il ne s’agit pas non plus de se défausser sur les séquelles et autres traumatismes de la colonisation pour les manquements de soixante-quatre ans de République. Indignation patriotique dévoyée qui jetterait, avec l’eau du «teny baiko», le bain linguistique privilégié et acquis avec, n’en déplaise, l’une des langues les plus parlées du village planétaire. L’autre 20 mars 2024, Madagascar avait encore officiellement célébré la journée internationale de la Francophonie, à l’unisson du Canada, de la Suisse ou de la Belgique, tous pays parfaitement développés.
Il serait absurde de renoncer à une langue française qui a accompagné (et plutôt bien) l’éducation et façonné la culture de plusieurs générations de Malgaches. Il serait tout aussi absurde de nier que l’anglais ouvre davantage encore de portes à l’international : les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Afrique du Sud et même d’autres pays qui n’ont pas l’anglais comme langue maternelle. Par dessus tout, il était infiniment absurde d’avoir prétendu tenir ce «kabary» dans une langue étrangère alors que la langue maternelle est célébrée chaque 21 février et que juin a été consacré «mois de la langue malgache».
Cependant, n’accablons pas cet élu : je songe à sa dignité de père et de grand-père et j’ose à peine imaginer les réactions de sa progéniture face à cette humiliation cathodique. De toutes les méchancetés bêtes et méchantes, il n’y a pas pire qu’une cour de récréation.
Mais, il fallait dénoncer, moins l’homme que le système, que sais-je le règlement intérieur. C’est un devoir moral contre une insulte à l’injonction d’apprendre (articles 22, 23 et 24 de la Constitution). Un silence gêné eût été pire, une sorte de permis de laisser-tout-faire : ânonner le français aujourd’hui, proférer couramment des vulgarités en «teny gasy» demain.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja