S’ils avaient choisi l’indépendance en 1974, les Comoriens font désormais le choix inverse surnommé le «vote kwassa-kwassa» : ils sont des milliers à rejoindre clandestinement Mayotte, et ses prestations sociales ainsi que son droit du sol. Mais, si les Mahorais de souche profitent de leur nationalité française pour partir à Marseille ou rejoindre La Réunion, un «grand remplacement» ferait des immigrants clandestins comoriens la principale population de l’île (1985-1991 : 10.000 Comoriens s’installent à Mayotte ; 1991-1997 : 20.000 ; 1997-2002 : 15.000). En réaction à cette «invasion», les Mahorais ont voté à 42,85% pour Marine Le Pen en 2017 tandis que le score du Rassemblement National grimpa à 60% en 2022 (Chronique VANF, 02.09.2022, «Mayotte, Gibraltar, Catalogne : et pourtant, ils ont voté»).
Quant au droit du sol, 73% des Français sont favorables à sa suppression à Mayotte, tandis que 65% des Français accepteraient l’extension de la suppression à toute la France. Le bon sens reprend doucement ses droits. Au-delà des crispations idéologiques qui nient l’actualité et la réalité. Et malgré un angélisme proprement suicidaire que, faute d’autre épithète suffisamment conforme, on a pu qualifier de «étrange» (Chronique VANF, 16.02.2024, «Je, tu, il, nous, vous...île»).
Ce message mahorais est devenu le message générique français, aux élections européennes du 9 juin 2024. Un besoin de quant-à-soi face à l’(im)pression psychologique d’être envahi dans son pays. Le message ne fut pas seulement français, mais globalement européen, contre les opérations portes ouvertes aux frontières.
À la veille du premier tour des législatives en France, un baromètre politique d’Odoxa, réalisé pour Public Sénat, révélait «un renversement historique du barrage républicain» : 47% d’opinion favorable à un barrage contre le Nouveau Front Populaire, 44% contre la majorité présidentielle, 41% pour le Rassemblement National. C’est pourtant là le coeur de ce message que l’on feint de ne pas entendre : la ligne LFI (France Insoumise) est-elle soluble dans un «front républicain» et quelle supériorité morale cette extrême-gauche aurait sur l’extrême-droite, si tant est qu’il existe encore quelque chose dans le désert idéologique intermédiaire ?
Le Président du Sénat français, de la droite canal historique, affirme qu’au second tour, il ne pourra jamais voter pour un candidat Rassemblement National ou Nouveau Front Populaire. Et au sein de ce même Sénat, le président du groupe écologiste (comme si l’écologie devait être fatalement de gauche) de s’indigner qu’on puisse hésiter entre le NFP et l’extrême-droite.
C’est cette indignation détachée du réel que les électeurs avaient déjà sanctionné aux élections européennes. C’est ce déni permanent dans les discours dits républicains et le politiquement correct dans l’exercice du pouvoir qui sont à la source du mélange de rage et de désespoir cherchant aujourd’hui son sursaut identitaire dans le Rassemblement National.