Le tombeau surélevé d’Ampasamanantongotra, un beau monument érigé dans l’Imamo. |
À la lettre F de son «Grand dictionnaire de Madagascar », Barthélémy Hue de Froberville aborde tout ce qui touche aux funérailles et aux enterrements, citant des auteurs auxquels il se réfère pour rédiger son ouvrage manuscrit (lire précédente Note).
Ainsi, du voyageur Mayeur qui parle des mœurs hova dans ce domaine. « Les morts sont mis dans des caveaux assez profonds pour que les corps puissent y être debout. Les cadavres sont ordinairement ensevelis dans des pagnes de soie ou de coton, selon les moyens du mort, et exposés sur des tréteaux au fond du caveau, autour duquel règne un mur en maçonnerie de huit pieds de long sur six de large, qui marque l’endroit où repose le mort. »
Chaque famille a son tombeau particulier, mais cela n’empêche pas que, lorsqu’un mourant demande à être enterré dans un lieu qu’il désigne, sa volonté ne soit ponctuellement exécutée.
Effectivement, certaines personnes, explique Mayeur, aiment reposer près de leurs champs de riz « pour voir mûrir leurs récoltes ». D’autres sur de hautes montagnes «pour contempler le pays ». D’autres enfin, dans les villages « pour entendre converser les habitants et voir arriver les étrangers ». Dans ce cas, la tombe particulière est creusée à l’endroit choisi. On la recouvre de terre, on la marque par un monument simple qui est communément une pierre.
Et lorsqu’on croit le corps consumé, on le retire pour le reporter dans le tombeau de la famille. « C’est la translation des os de ses pères. » Mayeur précise que cette coutume n’est pas particulière aux Hova car « on la retrouve aussi dans le Nord », et l’auteur en parle dans ses voyages.
Rondeaux, pour sa part, ne fait que mentionner les « six tombeaux des rois d’Ancove qu’il ne décrit même pas ». Il se contente de présenter la sépulture comme « un acte religieux auquel tous les Madécasses donnent une grande importance ». Chaque famille a son propre tombeau qu’elle visite tous les ans afin d’accomplir « l’entretien du petit édifice ou maison qu’on y construit pour le dépôt des corps avant leur inhumation ».
Froberville déclare que ce sont peut-être ces visites annuelles que Mayeur appelle « des vœux ». Car, dit-il, c’est le seul auteur à mentionner des vœux sur les tombeaux des ancêtres, « sans expliquer ce que les naturels entendent par là ». Dumaine utilise du reste le terme «sacrifice», Froberville pense de même.
« Selon toute apparence, ces vœux ne sont que des sacrifices qui se changent en festins pour consommer avec des parents et des amis, les restes des viandes et autres objets offerts aux morts », précise ce dernier.
Cependant, ils ont un but, poursuit-il, et cite Mayeur qui parle d’un chef malade : il se précipite sur la tombe de ses pères pour faire le vœu de leur offrir un bœuf et du miel s’il recouvre la santé. D’après Froberville, « le Madécasse ne connaît ni le deuil ni la tristesse. Incapable de ces impressions profondes qui éternisent les douleurs, il pleure ceux que la mort lui a ravis ; il honore leurs cendres. Mais lorsque le tombeau lui en dérobe les restes, il ne voit plus en eux que de puissants intercesseurs, dont la protection ne doit être implorée qu’avec joie et avec confiance ».
Continuant ses explications, Froberville ajoute que puisqu’ils envisagent la mort comme un état de repos dans lequel l’homme conserve ses facultés morales, tous leurs soins se portent à ce qu’il ne soit point troublé, à en accroître même les jouissances. Ainsi, lorsqu’un homme décède loin des siens, on organise en grandes pompes le « rassemblement de ses os pour les réunir à ceux de pères » après sa translation.
Froberville conclut alors que c’est pour cette raison que l’on enterre le mort avec de riches pagnes, que tous les ans ou, au moins, quand on présume que ces pagnes sont gâtés par l’humidité, on va les renouveler avec solennité. « C’est aussi pour cela que se font près des lieux qu’ils habitent, des festins où ils ont leur part comme présents. Cette piété filiale inspire de la confiance. »
Pela Ravalitera