Prof : «abréviation familière de professeur». Notre ancien prof de maths a, une dernière fois, tiré un trait triomphal sous une énième démonstration victorieuse et, définitivement, jeté la craie avec laquelle il visait infailliblement les bavards en classe.
On comptait parmi nous un génie naturel des maths, Razafindrakoto Iouri Garisse. «Monsieur Léopold» (ah, cette fâcheuse manie d’oublier les noms de famille, ici, en l’occurrence Ratsirahonana) le convoquait souvent «au tableau» pour qu’il déroule l’autre «formule» qui lui avait permis d’aboutir au même résultat que le prof. Bien des années plus tard, ébloui par la démonstration et traumatisé de ma propre ignorance, je me souviens encore que les deux aiguilles d’une montre coïncident exactement, la grande aiguille des minutes venant couvrir la petite trotteuse des heures, à une heure et des poussières.
Pour ma part, j’en étais resté à l’arithmétique. Celle des tables de multiplication qu’on trouvait au dos de tous les cahiers d’écolier de cette époque. Progressivement, mais inéluctablement, les «maths» allaient me donner le vertige, la peur panique d’un impossible résultat à joliment encadrer, et le tournis de ses cercles trigonométriques ponctués de cosinus et de sinus incompréhensibles.
En troisième, un reste de réalité bien concrète avait pu encore m’amuser : «Dans une basse-cour, il y a des poules et des lapins. Je compte 15 têtes et 50 pattes. Combien y a-t-il de poules, combien y a-t-il de lapins ?». Pour en élever à l’époque, je savais d’expérience que les gallinacés étaient capables de se tenir en équilibre sur une seule patte : détail incongru qui eût foutu par terre l’énoncé lui-même...
Mon père se moquait et m’a transmis son scepticisme fondamental. Au problème du robinet qui «goutte-à-goutte» dans un bassin, d’un certain volume énoncé, et dont il fallait déterminer le temps qu’il mettra à déborder, mon père avait fait le choix de «tsy miraharaha» même s’il ne se remplissait jamais. Même topo dans le scénario des deux cyclistes qui ne partent jamais en même temps, obligeant le second à courir après l’autre : mon père avait décrété une bonne fois pour toutes que peu lui chaut qu’ils ne se rattrapent pas avant la fin du cours. À mon tour, quelle ne fut mon indignation quand, m’étant imprudemment inscrit au premier concours de recrutement de «personnel navigant commercial» chez Air Madagascar, l’on nous soumit des «maths» de niveau terminale scientifique. Je faillis commettre une dissertation sur le thème «y a-t-il un pilote dans l’avion», mais me résolus à rendre une copie vierge et à changer de «métier envisagé».
Était-ce déjà à cet âge du collège, ou plus tard au niveau lycée, que l’on parlait du fameux «domaine de définition» ? Voilà quelques-unes que j’ai retrouvées.
Que : «Algèbre et arithmétique sont deux domaines des mathématiques. La différence principale entre algèbre et arithmétique est que l’algèbre étudie les relations entre les nombres alors que l’arithmétique étudie les opérations effectuées avec des nombres». Que : «L’arithmétique, enseignée à l’école élémentaire et au début du collège, traite de la résolution de problèmes numériques en utilisant essentiellement des nombres entiers naturels et des décimaux positifs. Son outil essentiel est le langage ordinaire, augmenté du calcul sur les nombres». Que: «L’algèbre permet d’écrire des relations entre des quantités connues ou inconnues. Elle emploie des paramètres et des variables. Les énoncés du langage ordinaire cèdent la place à des expressions littérales auxquelles on applique le calcul algébrique. Le recours à l’algèbre est rendu nécessaire dès que la complexité des situations dépasse un certain niveau, la plupart du temps pour des problèmes autres que ceux qui relèvent du premier degré» (équipe académique mathématiques Bordeaux).
Je ne pense pas que son prédécesseur, «Tsaramaso», que j’eus en classe de sixième, m’ait jamais appris cette série de définitions que je découvre quarante ans plus tard. Comme tous les surnoms, on ne saura jamais qui en fut l’auteur ni comment il lui est venu à l’esprit, et pourquoi plusieurs générations successives n’allaient jamais le remettre en cause. «Abidy» avait 86 ans.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja