Culture engagée

La récente prouesse de Cate Blanchett sur les marches du Festival de Cannes nous rappelle la nature hospitalière de la culture, disposée à accorder son rayonnant asile aux combats politiques et tourments mondiaux. C’est en foulant le fameux tapis rouge, vêtue d’une robe flanquée du drapeau palestinien, que l’actrice australienne a réussi à rendre présent, à la messe du cinéma, le conflit israélo-palestinien, un drame qui est projeté sur tous les écrans des journaux télévisés. Elle a ainsi confirmé le statut de podium politique de l’art.

L’histoire des arts est remplie d’épisodes fameux où la liberté d’expression les a élus, les a érigés en tribunes d’où peuvent s’élever les voix de la critique ou de la revendication. C’est alors que le jury de ce même Festival de Cannes a décerné, en 2004, la Palme d’or à Michael Moore pour son film Fahrenheit 9/11 qui épluche d’une main contestataire la politique de George W. Bush. Treize ans plus tard, les préoccupations climatiques résonnèrent au Sundance Film Festival avec la consécration de la suite du documentaire oscarisé An Inconvenient Truth de l’ancien vice-président des États-Unis, Al Gore. Des questions sensibles comme celles portant sur la race ou l’inégalité peuvent amplifier leurs voix, portées par des artistes comme Beyoncé, à Coachella, …

Quand l’art remplit la fonction de l’air pour le son en s’érigeant en médium privilégié de la parole politique, la plupart du temps subversive. L’art et la politique qui fusionnent comme chez Apollon, à la fois maître des Muses et de l’oracle de Delphes dont les prophéties sont craintes par les cités grecques. Et subsiste alors cette foi en la capacité de l’art à changer le monde, ce pouvoir craint par Platon qui a condamné, dans La République, la poésie qui peut pervertir les mœurs. Une confiance renouvelée sur l’un des terrains favoris du cinéma, là où se déroule le plus grand rendez-vous des artistes du septième art.

Et alors que le Festival de Cannes, déjà fortement marqué par l’omniprésence des couleurs féministes de #MeToo, vit l’intrusion de la problématique du Moyen-Orient, contribuant à l’affirmation graduelle et exponentielle de la politique dans l’art, d’autres voix peuvent aussi s’élever depuis les textes intemporels. À l’instar de ceux qu’ont écrit des penseurs comme Clive Bell qui a soutenu que l’essence de l’art réside dans sa capacité à émouvoir la sensibilité esthétique, rejoignant la citation de Théophile Gautier qui invite, le contexte étant favorable, à la méditation : ‘‘Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid.’’

Fenitra Ratefiarivony

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