Depuis le début d’une belle et constante histoire d’amour avec les livres, la figure de Bernard Pivot fut une nébuleuse scintillante qui n’a cessé de briller, nonobstant le fait que les années qui ont été couvertes par l’influence de son émission littéraire Apostrophes (1975-1990) ne furent pas vécues par votre serviteur qui découvrit, dans une pieuse dévotion, les archives impérissables de ces précieux entretiens avec les grands écrivains du siècle dernier : de Marguerite Duras à Jean-Marie Gustave Le Clézio en passant par Vladimir Nabokov, Hergé, Marguerite Yourcenar, Claude Lévi-Strauss ou Milan Kundera, …
Malgré les années, les anciens numéros d’Apostrophes ont gardé ce pouvoir prescripteur, qui parvient à exciter la curiosité pour inciter à acquérir les ouvrages qui attisent cette inclination pour la littérature, mobilisant la volonté qui s’attelle à une quête au trésor, une conquête des pages des livres présentés. Ensuite, Bernard Pivot, celui qui consacre quatorze heures d’une journée à la lecture, a su encore faire opérer cette magie, cette puissance hypnotique qui suscite inexorablement, en nous, le désir de lire à travers les chroniques hebdomadaires dans le Journal du Dimanche (JDD), à une époque récente où elles étaient en accès libre sur le site.
Bernard Pivot est celui qui a su, comme Hermès, transmettre ce charme des produits de l’écriture à l’homme, faisant submerger dans les consciences la dose de beauté qu’on peut consommer quand on abreuve notre esprit de la magie des mots que prodiguent les livres. Et quand ce besoin de nourriture intellectuelle se fait pressant et exprime sa frustration, provoquée par une disette, un manque d’ouvrages intéressants à portée de main, on peut toujours puiser des idées de lecture dans les 724 émissions, cette quasi corne d’abondance sublimée par les bijoux littéraires qui, chacun, appellent à être admirés. Bernard Pivot nous aura laissé une extraordinaire carte au trésor qu’on pourra toujours consulter pour naviguer dans l’univers merveilleux des livres de cette époque bénie, durant laquelle la qualité spirituelle des discussions atteignait un sommet submergé par la fumée des cigarettes omniprésente sur le plateau.
Une ambiance dans une atmosphère de haute voltige intellectuelle, où la recette est de porter les livres en apothéose. Et quand on voit s’exprimer, dans leur splendeur, la pensée et l’imagination, on ne peut s’empêcher de fantasmer sur un accaparement de cet esprit profond dans nos débats ou discussions actuels, dans lesquels ont trop souvent tendance à s’imposer la vacuité et la vanité. C’est ainsi que durant ces moments où on se met à rêver d’une métamorphose spirituelle, ce rêve nous révèle l’impossible vœu : qu’un successeur de Bernard Pivot nous soit donné pour accélérer les particules littéraires de nos concitoyens.
Fenitra Ratefiarivony