L’envol poétique

Comme une émanation esthétique du développement du cerveau humain, Homo-sapiens a acquis cette extraordinaire capacité où s’expérimente une illusion de la transcendance qui donne cette sensation de planer au-dessus de la prose du monde quand on se laisse porter par la poésie, à l’honneur durant ce mois de mars, ce cadeau que le génie peut prodiguer pour la délectation de l’esprit, submergé dans l’extase par la puissance réveillée des mots. La poésie, cet autre propre de l’homme, a toujours été présente pour illuminer l’histoire. 
L’aventure de notre espèce a une campagne fidèle : la poésie qui est présente depuis l’aurore de l’écriture, nos premiers pas dans l’Histoire, à travers l’Épopée de Gilgamesh, et qui n’a pas déserté nos vies. C’est ainsi qu’elle peut toujours surgir dans les grandes œuvres issues de la capacité créatrice quand cette dernière s’élève à un certain niveau de virtuosité verbale, une hauteur qui peut aussi nous attirer, nous les 
récepteurs, et assouvir notre soif d’envol, affermie par la sécheresse de la « réalité ». 
Quand le fardeau quotidien de l’homme, pris en tenaille par les soucis de la survie ou des contraintes sociales, lui fait ployer les épaules, qui chutent sous la tyrannie de la pesanteur de la réalité, s’exiler hors de ce monde écrasant peut être salutaire pour nos neurones surmenés. Et la poésie, comme l’a si bien vu Platon, qui a cependant déversé son venin sur la poésie, peut nous déconnecter de ce qui est vrai, pour nous mener au-delà. Pour Mallarmé, «la Poésie est l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux de l’existence».
Martin Heidegger a affirmé que l’homme, qu’il appelle le Dasein, est un étant privilégié par l’Être qui l’interpelle et peut s’y ouvrir en l’interrogeant. Et quand il pénètre le seuil de la complexité ontologique, le poète s’érige en guide qui peut mener les auditeurs et les lecteurs jusqu’aux endroits qui dépassent les frontières du rationnel trop souvent cruel, comme le surréel où Paul Éluard peut écrire «La Terre est bleue comme une orange», un fameux vers qui défie les lois de la raison et de la gravité oppressante de ses contours et qui ne peut voir comme Baudelaire que «La Nature est un temple où de vivants piliers/ Laissent parfois sortir de confuses paroles ;/ L’homme y passe à travers des forêts de symboles/ Qui l’observent avec des regards familiers.»
«Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit./Ô nations ! je suis la poésie ardente./J’ai brillé sur Moïse et j’ai brillé sur Dante». Victor Hugo, en écrivant ces vers, a discerné l’intemporalité de la poésie qui peut toujours manifester son éclat et ainsi illuminer nos vies par ses rayons dont la lumière frôle l’infini. 

Fenitra Ratefiarivony

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