HAUTE COUR DE JUSTICE - L’Assemblée nationale sous pression

Benjamin Alexis Rakotomandimby, procureur général de la Cour suprême.

Le procureur général de la Cour suprême représente le ministère public à la Haute Cour de Justice. À cet effet, il a touché mot sur les dossiers qui attendent la décision de l’Assemblée nationale pour être instruits ou être classés sans suite.

À chaque institution sa responsabilité. Mais aussi, que chaque institution assume ses responsabilités. Tel est, en substance, le sens de la piqûre de rappel faite par Benjamin Alexis Rakotomandimby, procureur général de la Cour suprême, au sujet des dossiers de la compétence de la Haute Cour de Justice (HCJ), mais qui sont toujours en suspens jusqu’à l’heure.

Selon la Constitution, le procureur général de la Cour suprême représente le ministère public auprès de la HCJ. Aussi, comme le note le procureur général Rakotomandimby, toute communication sur cette Haute Cour lui revient également. Ainsi, c’est à ce titre que face aux débats autour de cette entité judiciaire ces derniers temps qu’il a “touché mot”, sur le sujet, hier, durant l’audience solennelle marquant la rentrée judiciaire 2024, à la salle d’audience de la Cour suprême, à Anosy, hier. 

“Loin de nous l’idée de rejeter la responsabilité. Ni de faire des reproches à qui que ce soit, puisque c’est la Constitution qui l’établit. Et il est pleinement du ressort de l’Assemblée  nationale d’adopter ou de rejeter une mise en accusation. Chacun de nous fait son travail et nous avons beaucoup de respect à votre égard”, déclare  le procureur général de la Cour suprême. Des mots adressés à la Chambre et qu’il a pris soin d’énoncer avec tact, afin d’éviter de froisser certaines susceptibilités, probablement. 

Bien qu’il ait enrobé ses propos d’un certain tact, le fait qu’il les ait tenus de vive voix et en face de Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale, n’est pas fortuit. La boss de l’institution de Tsimbazaza a fait partie des personnalités présentes à l’événement judiciaire d’hier. À ses côtés, il y a eu le général retraité Richard Ravalomanana, président du Sénat, et Christian Ntsay, Premier ministre. 

À l’instar du président de la Haute Cour Constitutionnelle et des ministres, les trois chefs d’institution présents au siège de la Cour suprême, hier, sont justiciables devant la HCJ pour les actes qualifiés de crime ou de délit liés à l’exercice de leurs fonctions. “L’initiative de poursuite émane du procureur général de la Cour suprême”, dispose la Loi fondamentale. Un point qui ne s’applique pas au président de la République, toutefois. 

Blocage

Bien que le chef de l’État soit également justiciable devant la HCJ, il ne peut être poursuivi qu’en cas “de haute trahison, de violation grave, ou de violations répétées de la Constitution, de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat”. La Loi fondamentale ajoute, “il ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale au scrutin public et à la majorité des deux tiers de ses membres”. 

Pour en revenir à l’allocution du procureur général Rakotomandimby, ce dernier a souligné que depuis sa mise en place, seize dossiers ont été traités par la HCJ et transmis à l’Assemblée nationale. Il ajoute qu’il n’y a plus aucun dossier en suspens devant cette entité judiciaire. Il souligne ainsi que “la Haute Cour a fait son travail”. À l’entendre, à un moment donné, la Chambre a déjà fait le sien, également. 

En 2018, en effet, deux résolutions de mise en accusation de hautes personnalités ont été portées devant la séance plénière de l’institution de Tsimbazaza. Des résolutions rejetées par les députés. En conséquence, les affaires sont classées sans suite. Le hic est qu’il reste encore quatorze dossiers en suspens et qui attendent la décision de la Chambre basse. Comme l’a rappelé le procureur général de la Cour suprême, il est pleinement du ressort des députés d’adopter ou de rejeter la résolution de mise en accusation d’une haute personnalité. 

Pour les quatorze dossiers en attente, pourtant, la Chambre basse refuse de statuer. À chaque fois qu’une résolution de mise en accusation est à l’affiche, les députés esquivent le sujet en jouant la politique de la chaise vide. Aussi, le quorum nécessaire pour un vote n’a jamais été atteint. Face à la presse, le 22 janvier, en marge de la déclaration de patrimoine du président du Sénat, Florent Rakotoarisoa, président de la HCC a qualifié l’attitude de l’Assemblée nationale de “blocage”, à l’application de la loi. 

La semaine dernière, Transparency International - Initiative Madagascar (TI-IM), a également mis à l’index l’institution de Tsimbazaza. Pour TI-IM, le statu quo favorise l’impunité. Toutefois, après s’être adressé à l’Assemblée nationale, le procureur général de la Cour suprême s’est aussi tourné vers l’opinion publique. 

Sur un ton pédagogique, Benjamin Alexis Rakotomandimby explique que toute requête ou dénonciation publique ne se traduit pas ipso facto en procédure de poursuite. 

“Une poursuite ne peut être engagée sur la base d’allégations. Il faut des preuves. Nous [le ministère public] devons préalablement étudier la recevabilité des requêtes. Voir si elles relèvent de la compétence de la Haute Cour, mais aussi si les accusations sont fondées ou non”, souligne ainsi le procureur général Rakotomandimby. Seule une requête déclarée recevable et dont les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis peut être transmis à l’Assemblée nationale.

Garry Fabrice Ranaivoson

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