Quand la jungle a rasé la civilisation, l’anarchie a également supplanté les lois, et la loi du plus fort a évacué le civisme. Au-dessus de ce chaos imposant, les forces prépondérantes, celles qui parviennent à dominer la confusion et qui la représentent, se distinguent : les transports en commun dominent la mêlée.
L’évocation des routes et de leurs occupants peut évoquer des images qui suscitent la détresse, des illustrations qui montrent des ravages semblables à la désolation présente dans le roman La Peste (1947) d’Albert Camus. Tout comme la ville d’Oran dans cette œuvre, notre ville est également la proie d’une épidémie de grande ampleur, un fléau qui ébranle la discipline et le civisme, une destruction qui s’exprime à travers les usagers de la route, dominés par les taxis-be.
Et au milieu de ces tumultes quotidiens, résonne la célèbre phrase de Jean-Paul Sartre qui a écrit que «L’enfer, c’est les autres». Les jours se succèdent et se ressemblent : le supplice consistant à subir la torture infligée par les «autres» têtes brûlées de la circulation est inscrit dans notre dure routine.
Les bus sont ceux qui possèdent le fil d’Ariane qui leur donne l’autorité, la maîtrise des différents pièges qui parsèment le parcours tortueux du terrible labyrinthe où règne le pouvoir terrible et déprimant de la loi de la jungle, où les plus forts imposent leurs volontés à la circulation infernale. Dans cet enfer urbain, les taxis-be sont les maîtres du terrain qui manifestent l’indiscipline dans toute son ampleur.
Ils sont ainsi devenus les représentants emblématiques de l’obsolescence du Code de la route, une situation qui cause des dégâts. Leur ballet frénétique et coloré quotidien dessine le tableau le plus fidèle de cette mentalité qui se noie dans les flots de l’indiscipline qui règne en maîtresse absolue dans cette ambiance bouillonnante, encore plus en effervescence en cette période chaude de Noël.
Comme Sisyphe, dont l’enfer est le lieu d’un acte répété, toujours inabouti, qui consiste à faire rouler un rocher jusqu’au sommet d’une montagne, mais qui retombe toujours, les transports en commun sont pris dans un cycle interminable de chaos. Les différentes artères névralgiques prennent des allures endiablées régies par le règne du désordre.
En tant que maîtres absolus des routes, s’imposant comme les moyens de transport incontournables pour une population qui ne peut s’en passer, les taxis-be nous condamnent, tel Atlas qui ploie sous le poids du monde sur ses épaules, à supporter la lourde charge de l’indiscipline, à plier sous le fardeau de cette constante perturbation civique.
Fenitra Ratefiarivony