Consternation, incompréhension, indignation. 72 heures après l’abattage de cinq individus par la gendarmerie à Andohanimandroseza, aucun éclaircissement n’a été apporté ni par les autorités politiques ni par le procureur de la République. Tout le monde y va ainsi de ses propres commentaires, de ses imaginations, de ses supputations. Faute de version officielle, les rumeurs se disputent au vu de l’esprit. Beaucoup de questions titillent l’opinion mais restent sans réponse jusqu’à maintenant. En principe, en pareille situation, les autorités politiques ou judiciaires sont très promptes dans les communiqués pour expliquer le pourquoi du comment. L’opinion n’est pas obligée d’y croire mais au moins on a une version officielle.
Ce qui n’est pas le cas cette fois. L’affaire est très confuse. À première vue, les victimes devaient être des individus dangereux pour mériter une élimination directe. Au pire, ils auraient conspiré contre l’État. Ils auraient dû faire alors l’objet d’arrestation et d’enquête.
Les témoignages des riverains et la « notoriété » de certains présumés bandits prônent le contraire. Tout reste ainsi flou malgré quelques bribes d’information loin de permettre d’établir des liens fiables entre les récentes actualités politiques et la situation professionnelle des victimes, dont on dit que certains étaient en tenue militaire.
Dans tous les cas, la gendarmerie aurait dû être en possession d’informations sûres et certaines pour agir de la sorte. Dans ce cas, une explication aurait dû être livrée à la presse aussitôt après l’action pour couper court à toutes les interprétations. Curieusement, il semble que la gendarmerie est en pleine enquête en ce moment. Les présumés bandits ont donc été tués sans que l’on sache ce qu’ils voulaient faire et ce dont ils étaient accusés.
On semble revenir à des années en arrière où les résultats des enquêtes concernant des accidents d’avions et d’hélicoptères ayant tué plusieurs hautes personnalités civiles et militaires n’ont jamais été rendus publics. De même, l’assassin du chef d’État Richard Ratsimandrava court toujours s’il est encore en vie 38 ans après son crime. Plus tard et dans un passé récent, la mort d’un célèbre policier et rugbyman dans un palais d’État n’a jamais fait l’objet d’une enquête. L’exécution sommaire serait-il un héritage de la République ?
Combien de temps allons-nous encore rester dans cet obscurantisme à la soviétique? Cela ne fait qu’attiser la haine et la rancœur qui finiront un jour par exploser à un moment où on rêve du retour de la confiance des justiciables en la Justice.
Le leitmotiv militaire à propos d’un ordre, « exécution d’abord », semble appliqué dans le mauvais sens. Il aurait dû être précédé par l’enquête.
Sylvain Ranjalahy