RAPHAËL JAKOBA, JURISTE - « La HCC a joué un rôle de régulateur politique »

Raphaël Jakoba, juriste d’affaires internationales,  et manager associé de la revue MCI.

La crise politique qui a éclaté à Madagascar en septembre 2025 a ravivé les débats sur la qualification des événements survenus au sommet de l’État. Plusieurs observateurs ont évoqué l’hypothèse d’un coup d’État, le changement de direction ne résultant pas d’un processus électoral. Dans son sens classique, la notion de coup d’État renvoie en effet à une prise de pouvoir en dehors des cadres constitutionnels. Cependant, l’issue institutionnelle donnée à cette crise s’est distinguée par l’intervention de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), qui a encadré juridiquement la transition et donné au processus une légitimité institutionnelle.

Dans un article partagé hier, Raphaël Jakoba, juriste d’affaires internationales et manager associé de la revue MCI ou Madagascar Conseil International, apporte une analyse sous un angle juridique de l’issue de la crise politique qui a secoué le pays de fin septembre à mi-octobre. Il souligne notamment le rôle de la Cour d’Ambohidahy dans le processus de « sortie de crise ». La HCC, par sa décision du 14 octobre 2025, « a dépassé son pouvoir juridictionnel pour jouer un rôle de régulateur politique », indique-t-il.

Selon ses explications, cette logique s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence antérieure, celle qui découle de sa décision du 25 mai 2018, relative à une requête en déchéance de l’ancien président Hery Rajaonarimampianina. Une décision qui avait permis de trouver « une issue consensuelle » à la crise politique cette année-là. « Conformément à l’esprit de la Constitution, elle représente l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics, notamment lorsque celle-ci est entravée dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées par la Constitution par les effets d’une crise politique (…) », indiquait alors la HCC.

Nouveau pas

En 2025, la situation présentait un caractère inédit. La HCC a constaté la vacance simultanée du poste de président de la République, du président du Sénat et l’absence d’un gouvernement fonctionnel. Ce cumul de vacances, non envisagé explicitement par la Constitution, plaçait le pays devant un vide institutionnel apparent. « Prenant conscience du vide abyssal sur le plan constitutionnel, elle a fait un choix intuitu personae en la personne du chef d’État actuel », indique Raphaël Jakoba dans son texte.

Le juriste ajoute : « la HCC aurait pu se fonder sur une coutume militaire, désigner le militaire le plus ancien dans le grade le plus élevé. Cette option a été écartée d’un revers de main. En effet, ces décisions ont été dictées par l’évolution de la situation sur le terrain ». Selon lui, « dans cette crise de 2025, la HCC a franchi un nouveau pas : un pouvoir ex aequo et bono [en équité, pouvoir d’amiable compositeur] dans le cadre d’un arbitrage politique en s’affranchissant des règles purement de droit ».

Le juriste souligne également que « la crise de 2025 a également fait émerger une nouvelle donne : la reconnaissance, voire la soumission de l’armée à la primauté de l’État de droit ». Il note le rétropédalage des militaires sur leur décision de suspendre la Constitution et de dissoudre les institutions au profit d’une « reconnaissance entière de la décision de la HCC », en ajoutant que  « le pouvoir militaire s’est incliné devant le Droit. La décision du nouveau Chef d’État est un acte de sagesse fondé sur le principe de realpolitik pour obtenir la confiance internationale ».

La normalisation institutionnelle s’est ensuite opérée progressivement : prestation de serment du Chef de l’État devant la HCC, nomination d’un Premier ministre sur la base de l’article 54 de la Constitution et formation d’un gouvernement civil. Raphaël Jakoba explique également que, sur le plan diplomatique, ces étapes ont contribué à conforter la reconnaissance du nouveau pouvoir et à maintenir la continuité des partenariats internationaux, en particulier dans le domaine de l’aide budgétaire.

Garry Fabrice Ranaivoson

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