Temps de répit

Pour un nombre, de plus en plus limité, de privilégiés, le retour à la vie «normale», qui a pu être suspendue par une parenthèse de vacances, s’impose. Les heures sont à nouveau remplies, ne pouvant plus procurer l’insouciance que le «vide», issu de l’étymologie latine même de vacance, a apportée. Retrouver, pour certains, une routine, renouer, pour d’autres, avec la poursuite effrénée du gain... Tous ces mouvements quotidiens suspendus quand l’envol du temps a été adouci par les vacances, une saveur qui s’échappe progressivement de la portée des individus. Ces moments où l’oisiveté peut enfin avoir la place principale sont pourtant à même d’apporter le réconfort salutaire que beaucoup recherchent.

Dans le monde grec, celui surtout des Ve et IVe siècles avant notre ère, ce que des auteurs latins appelèrent «otium», le temps des loisirs, est valorisé car propice à l’épanouissement intellectuel ou à l’expression artistique ou à tout potentiel dont le développement est entravé par la dure loi du «negotium», celle du monde du travail, de l’appel persistant des besoins matériels. Les vacances se présentent alors comme des occasions de renouer avec ces capacités étouffées dans le chaos des activités quotidiennes, de ce que Hannah Arendt appelle «labor», le type de travail où une «œuvre» ne peut être créée. Mais la plupart de ceux qui peuvent encore bénéficier de l’évasion offerte par les vacances cherchent une autre facette de la liberté.

Dans les films et romans qui ont les vacances comme cadre, on peut citer notamment  Spring Breakers (H. Korine, 2012), Plus tard ou jamais (A. Aciman, 2008) et son adaptation cinématographique Call Me by Your Name (J. Ivory, 2017)... les personnages sont avant tout en quête d’épanouissement des sens, de plaisirs que le monde de tous les jours ne peut offrir... Tels sont les principaux moteurs qui régentent les précieuses secondes qui s’égrènent durant ces moments où l’on cherche la douceur qui contraste avec la dureté qui voit, en la vie ordinaire, un terrain en permanence favorable à son affirmation.

Mais bien des fois, sans qu’on en soit conscient, les courses qu’on veut éviter s’invitent le plus souvent dans nos vacances quand on cherche à rentabiliser ce temps qui nous tient toujours captifs alors que, dans notre esprit, il est celui de la liberté. Cette affirmation de Jean Baudrillard, tirée de La Société de consommation (1970), nous invite à la réflexion : «Ainsi retrouve-t-on partout dans le loisir et les vacances le même acharnement moral et idéaliste d’accomplissement que dans la sphère du travail, la même éthique du forcing.»

Fenitra Ratefiarivony

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne