KABESO DU ROI TOERA - Accueil triomphal à Belo sur Tsiribihina

Après 128 ans d’absence, le kabeso du roi Toera et ceux de ses deux chefs militaires ont retrouvé hier leur terre natale à Belo sur Tsiribihina. Accueillies par une population en liesse, les reliques seront officiellement remises aux familles ce jour par le président de la République.

Les kabeso du roi Toera et de ses deux chefs militaires, portés par des dignitaires sakalava, à leur arrivée sur les rives du fleuve Tsiribihina, hier. 

Belo sur Tsiribihina a vécu hier une journée historique avec l’arrivée du kabeso du roi Toera et de ses deux chefs militaires. Restituées par la France le 26 août dernier à Paris, puis rapatriées à Madagascar le 1er septembre, les reliques ont achevé leur long périple à travers le pays pour rejoindre la terre du Menabe.

Dès les premières heures, des foules compactes ont convergé vers la ville, venues des quatre coins du district. Les hôtels ont affiché complet, une situation inhabituelle en dehors des grandes cérémonies du Fitampoha organisées tous les cinq ans, confie la propriétaire d’une auberge débordée par l’afflux. Même les habitants ont loué leurs chambres aux visiteurs. Dans les ruelles, les marchés étaient animés. Les « lambahoany », paréos traditionnels à porter impérativement lors des cérémonies, autant par les hommes que par les femmes, ont été pris d’assaut.

L’arrivée des reliques a été précédée d’un parcours à travers le pays. Après une cérémonie d’hommage organisée par l’État, le 2 septembre, au mausolée d’Avaratr’Ambohitsaina, le cortège a quitté Antananarivo. Sur la RN7 vers Antsirabe, puis la RN34 jusqu’à Malaimbandy et la RN35 en direction de Morondava, chaque étape a donné lieu à des cérémonies d’hommage, notamment à Antsirabe et à Miandrivazo, porte d’entrée de la région Menabe. Sur les bords de route, la population a également témoigné son respect.

Hier matin, le cortège a entamé son dernier trajet, de l’intersection de Belo jusqu’aux rives du fleuve Tsiribihina, en passant par la majestueuse Allée des baobabs. Avant la traversée du fleuve, un rituel de bénédiction a été effectué. Sur l’autre rive, les mêmes gestes sacrés ont accompagné l’ultime étape. Escortés par des milliers de jeunes hommes, les Kabeso, portés par les dignitaires sakalava, ont rejoint le centre de la commune, jusqu’à l’entrée du « Zomba », sanctuaire des reliques des souverains sakalava du Menabe.

Dimension historique et culturelle

À l’entrée du Zomba, une atmosphère solennelle s’est mêlée à la liesse populaire. Des coups de feu ont retenti pour honorer le souverain et ses deux chefs militaires. Les milliers de personnes massées devant le site ont accueilli l’arrivée sous le soleil couchant. Les couleurs nationales — blanc, rouge et vert — se mêlaient aux étoffes royales rouges agitées par la foule. Chants, danses et cris de joie se sont prolongés jusque tard dans la nuit, lors du « tsimandrimandry », en attendant la cérémonie officielle de restitution aux familles et à la population sakalava par Andry Rajoelina, président de la République.

Au-delà de l’ampleur de l’accueil, le retour du kabeso du roi Toera et de ses deux chefs militaires revêt une forte dimension historique et culturelle. Souverain des Sakalava du Menabe, le roi Toera s’était opposé à l’invasion française à la fin du XIXe siècle. Lui et ses chefs militaires avaient été tués lors de la bataille d’Ambiky, dans la nuit du 29 août 1897. Décapités, leurs têtes avaient été conservées en France comme trophées de guerre.

Le retour au pays du kabeso du roi Toera et de ceux de ses chefs militaires constitue l’aboutissement d’un engagement pris par le président Rajoelina lors de l’inauguration de la réhabilitation du Rovan’i Madagasikara, le 6 novembre 2020. Du côté de la France, il s’agit de la première application de la loi sur la restitution des restes humains, entrée en vigueur en décembre 2023. Tout au long de leur parcours jusqu’à Belo sur Tsiribihina, les Kabeso ont été accompagnés par une délégation composée de membres du gouvernement et de parlementaires.

Hier, l’événement a pris des allures de fête populaire. Si, pour les profanes, les Kabeso sont vus comme de simples reliques, pour les habitants du Menabe, il s’agit du retour d’ancêtres royaux. La liesse a transformé la ville en un immense lieu de rassemblement. 

« Nous sommes enthousiastes. Je ne peux pas décrire notre joie. Nous accueillons le retour du roi Toera comme une bénédiction », confie Jean Augustin Ramiandra, dignitaire sakalava.

Aujourd’hui, la remise officielle des Kabeso doit sceller ce retour historique. Elle ouvrira une nouvelle page pour les descendants du roi Toera et pour l’ensemble de l’ethnie Sakalava du Menabe. Ils pourront désormais honorer le roi Toera, à l’instar des anciens souverains, lors du Fitampoha — ce qui n’était pas possible jusqu’ici en l’absence de son Kabeso. La famille royale décidera ensuite du moment où les restes seront déposés dans le tombeau d’Ambiky.

Garry Fabrice Ranaivoson

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