Cette année, le père Pedro célèbre un double jubilé : ses 50 ans de sacerdoce et ses 55 années de présence à Madagascar. Son parcours est marqué par un engagement sans relâche au service des plus démunis.
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Père Pedro et Andry Rajoelina aux côtés d’une religieuse. |
Le père Pedro est un modèle de réussite dans la lutte contre la pauvreté. Il a su transformer la décharge d’Andralanitra, où survivaient autrefois de nombreuses familles, en une véritable cité moderne dotée d’infrastructures symboles de développement. L’association Akamasoa, qu’il a fondée en 1989, soigne les malades, scolarise des milliers d’enfants, offre du travail et accueille des familles vulnérables, consolidant ainsi un modèle de développement social unique.
« Il est la preuve vivante que la misère peut être transformée en réussite. (…) Vaincre la pauvreté est possible lorsqu’il existe une volonté », a déclaré le président de la République, Andry Rajoelina, lors de la célébration des jubilés du père Pedro sur la colline de Manantenasoa, hier.
Le père Pedro a construit, pierre par pierre, une communauté solidaire. « Quand nous sommes arrivés ici, il n’y avait presque rien. Les grandes rues que vous voyez aujourd’hui n’étaient que des petites ruelles en terre. Ces écoles et ces maisons en dur n’existaient pas encore. Le père Pedro a déployé d’immenses efforts pour transformer totalement cet endroit », témoigne Gilbert Ramamonjisoa, installé à Manantenasoa depuis les années 1990.
Résultats remarquables
Trente-six ans après la fondation d’Akamasoa, le paysage est méconnaissable. Quatre mille trois cents maisons en dur abritent aujourd’hui les bénéficiaires. Un dispensaire et un centre d’accueil ont été ouverts, et le réseau scolaire s’est considérablement développé avec six écoles primaires, quatre collèges, quatre lycées et une université. Ces établissements affichent d’ailleurs des résultats remarquables. Lors de la dernière session du baccalauréat, 97 % des élèves d’Akamasoa ont réussi l’examen, contre un taux national avoisinant les 50 %.
« Ce qu’il nous a demandé, c’est de travailler dur, avec le cœur, et de toujours fournir des efforts », a rappelé une bénéficiaire dans son discours.
L’association Akamasoa ne se limite pas à offrir un toit et une éducation. Elle inculque également des valeurs de rigueur, de solidarité et de respect.
« La discipline est stricte ici. Tous les jeunes doivent travailler et chaque enfant doit être scolarisé. Un comité veille à ce qu’aucun enfant ne soit laissé de côté. Le respect mutuel est encouragé et les bagarreurs n’ont pas leur place. La propreté est aussi une règle fondamentale », explique Christine Rafaramalala, responsable de l’assainissement.
L’engagement du père Pedro dépasse les frontières de Madagascar. La cité qu’il a fondée attire des personnalités internationales : le pape François en 2019, le couple présidentiel français Emmanuel et Brigitte Macron en avril 2025, la présidente slovène Nataša Pirc Musar en juin dernier, ou encore le prince Albert de Monaco en 2017. À plusieurs reprises, son nom a figuré parmi les nominés au prix Nobel de la Paix.
Pour le père Pedro, l’œuvre est loin d’être achevée. Selon Marie Odette Ravaoarisoa, présidente de l’association Akamasoa, des projets restent à concrétiser : la construction de nouveaux logements, de bâtiments scolaires supplémentaires, ainsi que l’extension des infrastructures de santé, face à la demande croissante de soins.
« Cinquante ans se sont écoulés, il n’a jamais abandonné. Qu’il pleuve ou qu’il fasse une chaleur accablante, il est toujours présent pour nous aider. Nous ne le remercierons jamais assez pour ce qu’il nous a apporté », a déclaré un enfant représentant les bénéficiaires de l’association, lors de cette célébration.
Le chef de l’État, Andry Rajoelina, a conclu son discours à l’adresse du père Pedro par des mots empreints de reconnaissance : « Merci d’exister ».
Fermeture définitive du dépotoir d’Andralanitra
À l’occasion de la célébration des 55 ans de présence du père Pedro à Madagascar et de ses 50 ans de sacerdoce, le président Andry Rajoelina a annoncé la fermeture définitive du site de décharge d’Andralanitra. « Une usine de traitement des déchets sera implantée sur ce site. Elle produira de l’énergie et les travaux débuteront cette année pour s’achever prochainement. Une fois terminés, la décharge sera complètement fermée et le terrain sera remis intégralement à l’association Akamasoa. Nous y construirons un stade », a déclaré le chef de l’État lors de la cérémonie.
En signe de reconnaissance supplémentaire envers le père Pedro, le président a également annoncé le recrutement de cent enseignants de l’association, qui intégreront la fonction publique.
Historique du père Pedro
Le père Pedro est né en Argentine en 1948, où il a passé son enfance et son adolescence. De 1968 à 1972, il poursuit des études de philosophie et de théologie en Slovénie. Il effectue ensuite un premier séjour à Madagascar, à Vangaindrano, avant de reprendre ses études de théologie à Paris, de 1972 à 1975. Il est ordonné prêtre en Argentine en 1975, à l’âge de 27 ans. La même année, il retourne à Madagascar, où il est affecté à Vangaindrano. Il y initie ses premières actions sociales, centrées sur l’éducation et la mobilisation des jeunes. En 1988, il est nommé à Antananarivo. L’année suivante, en 1989, il découvre la décharge d’Andralanitra, où sont déversées les ordures de la capitale. Marqué par la misère des familles vivant sur ce site de décharge, il fonde l’association Akamasoa, destinée à accueillir, accompagner et offrir de meilleures perspectives aux plus démunis.
Témoignage
Dr Jean Pierre Rabemananjara - Du fils de casseurs de pierre au médecin engagé

Issu d’une famille modeste dont les parents vivaient du dur labeur de casseurs de pierre, Jean Pierre Rabemananjara a toujours refusé de laisser la pauvreté limiter ses ambitions.
« J’ai étudié chez le Père Pedro, du préscolaire jusqu’au lycée », raconte-t-il. Élève appliqué, il se fixait pour objectif de figurer parmi les meilleurs.
« Les majors de classe partaient en voyage d’étude, un privilège auquel ma famille n’avait pas accès. Alors je travaillais dur pour devenir premier de la classe et mériter ma place dans ce voyage d’étude », confie-t-il.
Après son baccalauréat, il intègre la faculté de médecine de l’Université de Mahajanga. « La médecine a toujours été une passion pour moi », dit-il. Mais le chemin fut semé d’embûches. S’il a pu compter sur le soutien du Père Pedro et l’aide ponctuelle de ses parents, il a aussi dû travailler pour arrondir ses fins de mois.
« Le soir, je faisais du batelage. Je terminais vers 22 heures, puis je rentrais me plonger dans mes cours », se rappelle-t-il.
En août 2024, après des années d’efforts et de sacrifices, il décroche son diplôme de docteur en médecine. Un accomplissement personnel, mais aussi une victoire collective, fruit d’une détermination à toute épreuve.
Aujourd’hui, le jeune médecin a choisi de revenir à ses racines. Il dirige le centre médical Manantenasoa, au sein de l’association Akamasoa.
« C’est ici que j’ai grandi, que je suis devenu la personne que je suis. Je veux rendre ce que j’ai reçu en m’engageant dans des actions sociales, à l’image du Père Pedro. Je veux aussi lui montrer que j’ai réussi grâce à lui », affirme-t-il avec émotion.
À travers son parcours, le Dr Rabemananjara adresse un message fort à la jeunesse malgache :
« Fixez-vous un objectif, soyez prêts à faire des sacrifices et à faire preuve de sagesse. C’est ainsi que l’on réussit dans la vie. »
Van Felantsoa Andrianantoandro - Un pur produit de l’association Akamasoa

Van Felantsoa Andrianantoandro incarne l’une des réussites issues de l’association Akamasoa, fondée par le Père Pedro. Comme beaucoup de bénéficiaires, elle est issue d’un milieu défavorisé.
« C’est ma grand-mère qui nous a conduits ici. Elle travaillait comme collectrice de déchets et vivait à Itaosy. Puis elle a entendu parler d’un prêtre étranger qui aidait les pauvres », se souvient-elle.
Grâce aux formations dispensées par l’association, le quotidien de sa famille a changé.
« Ma mère a commencé par le tressage, puis elle est devenue aide-soignante avant d’occuper un poste de responsable au centre d’accueil d’Akamasoa », raconte-t-elle avec fierté.
Mais c’est surtout Van Felantsoa elle-même qui symbolise ce modèle de réussite. Elle est devenue enseignante dans une école de l’association, après y avoir fait ses études, du primaire à l’université. Elle fait partie de la première promotion des étudiants en informatique de l’université.
« J’y ai obtenu un diplôme de technicien supérieur (DTS). Ensuite, j’ai effectué des stages chez Telma, grâce au partenariat entre l’opérateur et Akamasoa », explique-t-elle.
Malgré l’opportunité d’être embauchée dans cette société, elle a choisi de rester au service de l’association.
« Un jour, j’ai entendu le Père Pedro dire : “Tu as reçu du bien. Si tu peux à ton tour en donner, fais-le ici, pour le bien de tous.” C’est ce qui m’a guidée dans mon choix », confie-t-elle.
Reconnaissante, elle adresse un message de gratitude au fondateur d’Akamasoa : « Je remercie le Père Pedro pour tout ce qu’il fait pour les Malgaches. Nous, les jeunes de l’association, sommes toujours là pour l’aider à développer Akamasoa. On lui souhaite une longue vie. »
Miangaly Ralitera