Poids des choses

 L’existence est remplie d’hyperobjets auxquels on ne peut se soustraire. Presque tout le monde n’est cependant conscient de la présence des hyperobjets qui possèdent les esprits. Leur omniprésence est pourtant ce qui donne les couleurs, pas toujours lumineuses, de nos jours. Le monde nous impose en effet ces « choses qui occupent massivement le temps et l’espace au regard de l’échelle humaine ». C’est alors qu’on est confronté à ces phénomènes, faits... qui nous dépassent.  

Mais que sont ces hyperobjets ? La notion, issue des écrits du philosophe Timothy Morton, est récente. L’auteur a ainsi appelé des entités dont les dimensions sont démesurées, allant au-delà de ce qui est à la portée de l’intelligence humaine, complètement devancée car n’ayant pas le don d’ubiquité que possèdent ces hyperobjets qui, sans qu’on le sache donc, affirment leur poids dans l’espace et dans le temps. Ils ont une «viscosité» qui les rattache, qu’on le veuille ou non, à notre monde, limité à ce qui s’offre à notre perception contrairement aux hyperobjets dont la totalité nous échappe. Ils ont aussi une étendue temporelle immense qui peut occuper plusieurs millions d’années. D’autres objets et structures peuvent ainsi être affectés par leur contact inévitable.  

Si aujourd’hui, on ne peut esquiver les conséquences du changement climatique, sa globalité se dérobe à nos sens qui ne peuvent franchir leurs limites. Le phénomène dépose son sceau qu’importe où nous nous trouvons, une particularité qu’il partage avec internet, la mondialisation et ses marchandises qui circulent en permanence, la radioactivité qui envahit notre environnement... Et d’autres faits «non locaux» que l’appréhension humaine ne peut pénétrer dans toute leur entièreté, nos capacités ne pouvant atteindre que certains de leurs effets. Avec les hyperobjets, c’est le rêve de Descartes de devenir «maître et possesseur de la nature» qui se dérobe, notre infériorité émerge au milieu de ces hyperobjets.  

Un nombre considérable d’hyperobjets doit aujourd’hui nous inciter à mieux réfléchir notre rapport à la nature. À prendre conscience que ce sont les hyperobjets, comme la déforestation ou les pollutions engendrées par les plastiques, qui sont les facteurs déterminants de notre futur. On est alors invité à avoir l’attitude qu’avaient les personnages du roman Bruit de fond (D. DeLillo, 1985), pris par la panique causée par une intoxication aérienne. La peur, et non l’indifférence, est une posture plus viable que l’arrogance devant l’ampleur des hyperobjets. Une attitude plus salutaire pour les générations futures devrait être adoptée.

Fenitra Ratefiarivony

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