Tout un plat. La réaction justifiée de l’Ordre des Journalistes de Madagascar à propos du traitement réservé par le président du Sénat à un journaliste fait des vagues. Le journaliste lui a demandé si une enquête parlementaire pourrait être envisagée à propos de l’affaire de l’immatriculation de cinq Boeing 777, livrés par la suite à la compagnie iranienne Mahan Air. Le président du Sénat a été visiblement irrité par la question et n’a pas ménagé le journaliste. Le Sénat a publié par la suite une longue réponse au communiqué de l’OJM, qui est en fait une véritable diatribe contre le journalisme et les journalistes.
C’est son droit, et c’est l’illustration de la liberté d’expression. Le journaliste a fait ce que l’opinion attend de lui, c’est-à-dire poser des questions pour pouvoir éclairer l’opinion publique. Et une affaire louche qui peut nuire à tout le pays pourrait très bien faire l’objet d’une enquête parlementaire. D’ailleurs, pour des affaires moins graves que cette histoire de Boeing 777, les parlementaires ont mené une enquête.
Seulement, la question n’a peut-être pas été posée à la personne idoine. Le tort du journaliste a été de poser une question à un président d’institution plus ou moins concerné par l’affaire, étant donné que l’un des suspects dans cette histoire était son conseiller bénévole, comme il l’a révélé. Il ne pouvait donc pas mener une enquête parlementaire contre lui-même, en quelque sorte. C’est ainsi que l’audace ou la maladresse du journaliste, lequel n’y a visiblement pas pensé, a été qualifiée d’insolence.
Qu’à cela ne tienne, et c’est dommage qu’un grand responsable en arrive à mépriser les journalistes. Il est vrai que c’est rare de trouver des journalistes qui ont du cran, osant poser des questions qui dérangent. L’attitude qu’on cultive est d’avoir des journalistes asservis, des questions arrangées, des interviews toutes faites. La démocratie en paie le prix, et on n’a rien à y gagner. Même Ratsiraka, qualifié par une partie de l’opinion de dictateur, avait fini par supprimer la censure de la presse.
Dans l’affaire d’empoisonnement d’Ambohimalaza, beaucoup de journalistes n’étaient pas autorisés à faire des reportages, à interviewer des médecins ou des proches des victimes. L’accès à l’hôpital était réservé à une certaine catégorie de journalistes.
Moralité de l’histoire , plus on essaie de museler la réalité, plus on ouvre un boulevard aux inepties des réseaux sociaux, de nature incontrôlable.
Sylvain Ranjalahy