Treize mais

Le souvenir des événements du 13 mai 1972 passe presque inaperçu 53 ans après. La commémoration est officieusement interdite et la place portant le nom de ce mouvement de rue qui a balayé la Première République n’est plus accessible aux meetings politiques. Malgré la revendication de l’opinion, aucun régime n’a voulu décréter la date du 13 mai jour férié. À ce rythme, l’opinion finira par oublier ce passage important de l’histoire, source de tous les changements qui s’en sont suivis ainsi que des autres crises politiques récurrentes. Il faut dire que les acteurs politiques principaux du mouvement ont pour la plupart passé l’arme à gauche. Il ne reste plus que quelques personnalités pour entretenir le feu sacré tant bien que mal.

Le 13 mai 1972 a été porteur de beaucoup d’espoir, puisqu’il marquait la rupture du cordon ombilical avec l’ancienne puissance coloniale sur plusieurs plans, en l’occurrence les relations diplomatiques, les affaires militaires, les matières domaniales, les affaires culturelles, l’assistance technique, les Postes et télécommunications, la pêche maritime, concrètement traduite, entre autres, par la malgachisation de l’enseignement, l’abandon de la zone franc, le départ de l’armée française de la base d’Antsiranana. Tout était écrit noir sur blanc dans le nouvel accord de coopération franco-malgache signé par le capitaine de frégate Didier Ratsiraka, ministre des Affaires étrangères malgache et Jean-François Deniau, secrétaire d’État français auprès du ministre des Affaires étrangères. 

Qu’est-ce que cela a changé ? Il faut le dire, les conséquences ont été désastreuses et la descente aux enfers continue. Le renouvellement des accords de coopération franco-malgaches a été conjugué à la révolution socialiste pour donner un mélange nocif dans tous les domaines. L’éducation a dégringolé, l’économie est placée sous perfusion, l’insécurité a gravi tous les échelons, la corruption a pris racine, le prix des biens et services a flambé. Résultat des courses, un appauvrissement grandissant qui n’a pas encore fini sa course. Le dernier rapport de la Banque mondiale, publié en avril, ne laisse pas entrevoir un mince espoir. Malgré un taux de croissance de 4% en 2024, la situation reste critique. À l’horizon 2027, le taux de pauvreté restera à 78%. Ainsi, après plus de quarante ans de collaboration avec les bailleurs de fonds traditionnels, les résultats sont plutôt négatifs, comme l’institution de Bretton Woods elle-même le constate. 

Les illusions du 13 mai 1972 se sont transformées en grosses déceptions, au point que la population a de nouveau tenté le coup en 1991, 2002 et 2009, dans l’espoir de mettre fin à tous les fléaux gangrenant le pays. À l’arrivée, une pauvreté abyssale, une insécurité inqualifiable, une inflation galopante, une éducation précaire, un taux de chômage frisant le sommet…

À se demander si c’était à refaire, est-ce qu’on referait le 13 mai. 

Sylvain Ranjalahy

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