DÉVELOPPEMENT - Les enjeux des systèmes alimentaires

Madagascar dispose d’une feuille de route pour transformer ses systèmes alimentaires. L’heure est à sa mise en œuvre et selon les responsables, les enjeux sont de taille car ces systèmes représentent bien plus que des chaînes de production et de consommation. Ils sont essentiels pour la stabilité de l’économie, la vitalité des écosystèmes et le bien-être de la population.

L’ accélération de la transformation des systèmes alimentaires est devenue une priorité (Src photo : MINAE).

Ces derniers mois, plusieurs séances de travail ont été organisées sur le thème de l’opérationnalisation du plan élaboré avec l’aide de la Coalition Faim Zéro, des partenaires techniques et financiers (PTF) et des diverses parties prenantes. Selon les explications fournies, cette feuille de route met en lumière les priorités essentielles pour améliorer l’accès à une alimentation saine et diversifiée, promouvoir une production agricole durable et renforcer la résilience des moyens de subsistance. Pour le ministère de l’Agriculture et de l’ Élevage (MINAE), les secteurs public et privé, les bailleurs de fonds et la société civile sont impliqués dans le processus afin de garantir une mise en œuvre efficace et coordonnée de ce plan.

« Des journées de travail intensives et plusieurs interventions ont permis de faire le point sur la mise en œuvre de la feuille de route, suivies de discussions approfondies sur les solutions durables pour la transformation des systèmes alimentaires. Des sujets tels que l’aquaculture, la gestion des risques et les pratiques agricoles responsables ont été au cœur des échanges », a aussi fait savoir ce département ministériel. Des travaux de groupe pour valider les indicateurs de performance, essentiels pour évaluer les progrès d’ici 2030 et garantir l’alignement des actions nationales avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) ont aussi été organisés. Rappel a également été fait que le pays cherche en premier lieu à abaisser la malnutrition chronique (de 39,8 % à 25,9 %), la malnutrition aiguë (de 7,7 % à moins de 3 %).

À noter aussi que du 14 au 16 mai dernier, dans le cadre de l’initiative mondiale « Food Systems Countdown Initiative (FSCI) », ou Compte à rebours des systèmes alimentaires, une rencontre nationale s’est tenue à Antananarivo.  L’objectif était d’arrimer le cadre d’indicateurs FSCI aux réalités locales et de se doter d’outils pour évaluer régulièrement les progrès réalisés. Cette initiative est portée par des organisations de premier plan comme l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Global Alliance for Improved Nutrition (GAIN) ou encore l’Université Johns Hopkins. Des représentants de ministères, des chercheurs, des organes de la société civile et des partenaires ont participé aux travaux qui ont permis notamment de poser les bases d’une approche cohérente, fondée sur les données, pour améliorer l’alimentation, la nutrition, l’environnement et les moyens de subsistance sur le territoire national. 

Le compte à rebours est lancé

« Cette étape revêt une importance majeure dans notre objectif de renforcer les capacités nationales, d’orienter les politiques publiques et appuyer concrètement la mise en œuvre de la feuille de route nationale pour la transformation des systèmes alimentaires. Dans un contexte marqué par l’insécurité alimentaire et les effets du changement climatique, le compte à rebours est lancé pour faire émerger des solutions durables, inclusives et adaptées aux réalités locales, en plaçant les données au cœur des décisions», a-t-on aussi expliqué.

Rappelons que lors du processus de réalisation du diagnostic national, les partages d’informations entre les acteurs des systèmes alimentaires ont permis de définir les orientations clés dans ce domaine. Un constat a également été établi : Madagascar doit transformer rapidement sa structure de production, améliorer ses chaînes d’approvisionnement et modifier le comportement des consommateurs. C’est sur cette base que la feuille de route a été élaborée et les programmes pour améliorer les systèmes alimentaires conçus. 

À savoir, par ailleurs, que depuis le Sommet des Nations Unies sur les Systèmes Alimentaires, en 2021, la Grande île s’est engagée dans une transformation de ses systèmes alimentaires pour contribuer aux ODD. Et à travers le Projet Hesat 2030 visant à éradiquer la faim et la malnutrition, le pays mène des actions pour transformer ses systèmes alimentaires et contribuer à la réalisation de la feuille de route mondiale. Sur le terrain, les paysans sont sensibilisés à l’agriculture durable, les engrais et les semences sont distribués de manière plus optimale, des campagnes sont menées pour amener les foyers à diversifier leurs nourritures et, surtout, des opérations de lobbying sont menées pour augmenter les investissements au profit des secteurs agricole et alimentaire. 

Il est aussi intéressant de noter que le gouvernement malgache a obtenu le soutien de la FAO, du Shamba Centre for Food & Climate et de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) pour la réalisation d’une étude poussée sur la transformation des systèmes alimentaires à Madagascar. Ainsi, l’enquête et les analyses effectuées ont permis de déterminer comment les systèmes alimentaires peuvent être transformés pour adapter aux nouveaux enjeux l’économie agricole du pays, fournir des régimes alimentaires sains et abordables à tous de manière durable, en explorant l’interrelation entre la nutrition et l’adaptation aux changements climatiques.

La sécurité alimentaire demeure un grand défi pour la Grande Île (Src photo : MINAE).

Produire des résultats concrets 

Une modélisation économique a été aussi réalisée afin de déterminer le coût nécessaire pour mettre en œuvre ces interventions. En outre, des recommandations pour des investissements supplémentaires du secteur public sont formulées en fonction des résultats obtenus pour opérationnaliser la feuille de route nationale pour soutenir la transformation des systèmes alimentaires vers la réalisation des ODD à l’horizon 2030. À savoir en outre que les activités du département en charge de l’agriculture dans le Plan d’Action Multisectorielle pour la Nutrition (PNAMN) sont axés sur le système alimentaire durable (SAD) qui intègre la production, la transformation, la distribution et la consommation de produits alimentaires.

D’après Hanitra Rahary, membre de la société civile, il est nécessaire d’accélérer significativement la transformation sur le terrain des systèmes alimentaires nationaux. Pour elle, de nombreux ateliers ont déjà eu lieu et l’heure doit être aux actions concrètes. Elle souligne aussi la nécessité de mobiliser rapidement d’importantes ressources, en particulier les investissements privés, pour disposer de systèmes alimentaires équitables, durables pour tous et économiquement viables. « Des investissements massifs sont nécessaires tout comme le rôle fondamental dans le développement inclusif du secteur alimentaire, la réduction des gaz à effet de serre pour combattre l’empreinte carbone du secteur agricole. Nous avons une feuille de route, il faut maintenant produire des résultats visibles et mesurables sur le terrain ».

Quant au ministre de l’Agriculture, François Sergio Hajarison, il soutient que les divers projets en cours de réalisation produisent des bilans encourageants. Il note à titre d’exemple la mise en œuvre du projet d’Appui institutionnel à la transformation inclusive et durable des systèmes alimentaires à Madagascar. Le projet a pour impact attendu le renforcement des institutions nationales et entités locales œuvrant dans le domaine de la sécurisation alimentaire. Les PTF notent de leur côté que les derniers rapports présentent des résultats satisfaisants en matière de planification et aussi de multiplication des soutiens techniques et financiers au profit des systèmes alimentaires. 

Sur le terrain, on constate le renforcement des opérations de distribution de semences de qualité et des campagnes de sensibilisation sur la culture des produits à haute valeur nutritive tels que la patate douce à chaire orange, le sorgho, les légumes traditionnelles ainsi que la transformation des produits comme le manioc en gari. Il y a aussi le programme pour alimenter les banques alimentaires, l’appui au développement des chaînes de valeur sensibles à la nutrition et la réduction de la perte post-agricole. Pour le MINAE, d’autres initiatives comme la mise en œuvre du Rapid Rural Transformation (RRT), le développement des Parcelles Communautaires Pilotes (PCP), l’assistance alimentaire et la réhabilitation d’actifs hydro-agricoles, le renforcement de l’accès à l’assurance agricole et l’inclusion financière ont permis d’accompagner plus de 2 millions de personnes impliquées dans les systèmes alimentaires.

Pour la filière rizicole en particulier, les responsables estiment que le pays devrait pouvoir atteindre, à moyen terme, un rendement de 4 tonnes de paddy par hectare au lieu des 2,5 tonnes obtenues auparavant. Parmi les mesures retenues pour améliorer la productivité, il y a la mise en place d’un guichet agricole dans chaque district. Mais l’État et les différentes parties prenantes reconnaissent que beaucoup reste à faire pour que Madagascar puisse bénéficier de systèmes à même d’assurer son autosuffisance alimentaire, d’assurer des conditions de vie décentes aux agriculteurs et d’instaurer un secteur agroalimentaire performant. Le pays qui se trouve encore au 108ème rang dans l’Indice global de sécurité alimentaire.

SYSTÈMES ALIMENTAIRES - Une Task force pour acter la transformation


La Task Force Nationale des Systèmes Alimentaires de Madagascar (TFNSA) est un groupe de travail national créé pour piloter la transformation des systèmes alimentaires, en coordination avec les gouvernements, les organisations partenaires et les acteurs de la société civile. Son objectif est d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ainsi que la résilience des systèmes alimentaires face au changement climatique. 

Selon les explications fournies, il est indispensable de transformer les systèmes alimentaires malgaches pour les rendre plus durables et résilients, tout en améliorant la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Dans cette perspective, la TFNSA coordonne les actions des différents acteurs impliqués dans la transformation des systèmes alimentaires, notamment le gouvernement, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales et les acteurs de la société civile. 

Ainsi, la TFNSA met en place des stratégies et des plans d’action pour améliorer la production, la distribution, la consommation et la transformation des aliments, tout en tenant compte des enjeux de durabilité, de nutrition et de résilience climatique. Pour la feuille de route nationale, la Task force est au cœur de son dispositif de mise en œuvre. Elle travaille aussi à la création de banques alimentaires et l’amélioration du système d’alerte à la sécheresse dans le sud de Madagascar, afin de mieux anticiper et gérer les crises alimentaires. On sait en outre que la TFNSA favorise la digitalisation de l’agriculture pour améliorer la gestion des récoltes, la logistique et la distribution des produits alimentaires. En matière de suivi et évaluation, elle affirme utiliser des outils numériques pour suivre l’évolution des systèmes alimentaires et évaluer l’efficacité des actions mises en place. 

D’après le MINAE, la Task Force se positionne à l’avant-garde de cette transformation. Composée d’acteurs clés nationaux et internationaux, cette entité trans-sectorielle joue un rôle crucial dans la coordination des actions du gouvernement, des organisations partenaires et des acteurs de la société civile. Et ce département de rappeler que dernièrement, des travaux ont été réalisés pour le renforcement des capacités des membres de la Coalition Faim Zéro, la mise en place de mécanismes de coordination entre la Task Force de Madagascar et celles des pays partenaires en Afrique, ainsi que le partage des résultats de l’étude chiffrée avec les parties prenantes. 

VERBATIM


Moses Vilakati, commissaire de l’Union africaine à l’agriculture et au développement rural

« Nous reconnaissons que l’agriculture ne se limite pas à la production, mais qu’il s’agit de créer un système holistique qui englobe la production, la transformation, la distribution et la consommation. La stratégie et le plan d’action prévoient des systèmes agroalimentaires durables et résilients. Une mise en œuvre efficace de la stratégie de transformation des systèmes alimentaires permettrait de faire face aux défis structurels »


Mamadou Mbaye,  directeur par intérim et représentant du Programme alimentaire mondial (PAM)

« Grâce à des solutions innovantes, inclusives et appropriées, nous collaborons avec nos partenaires pour construire notamment des systèmes alimentaires capables de résister aux chocs, de garantir la dignité humaine et de favoriser une économie inclusive. Nous sommes engagés avec le gouvernement de Madagascar à promouvoir la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à renforcer la résilience des groupes vulnérables et à transformer les systèmes alimentaires du pays. »

LES SYSTÈMES ALIMENTAIRES EN CHIFFRES


L'Express de Madagascar

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