Le Vatican est juridiquement un État. Le Pape est donc un Chef d’État. Un «simple» Chef d’État? Parce qu’à voir cette cinquantaine de chefs d’État, dont de nombreux présidents de République, s’incliner devant sa dépouille, on assistait plutôt à une cérémonie d’allégeance envers une personne royale. Et sans même encore évoquer/invoquer («évoquer le passé» indique le Larousse, mais «invoquer les Saints») sa fonction à la tête de l’église catholique, «successeur de Pierre, vicaire du Christ».
Au plus fort de la crise migratoire, le Pape François avait appelé chaque paroisse catholique d’Europe à accueillir (ou recueillir ?) des familles de migrants dont on sait que, fuyant le Moyen-Orient, elles étaient majoritairement musulmanes.
Un Pape «normal». Qui était allé vers les autres chrétiens, à l’instar de sa rencontre avec le patriarche orthodoxe en 2016, à Cuba. Qui était allé au-delà de l’oecuménisme, vers les autres religions du Livre, le judaïsme et l’islam. Qui avait également relancé le kérygme, proclamation à voix haute de sa religion.
En septembre 2004, alors qu’il était encore le cardinal Ratzinger, Préfet de la Congrégation de la doctrine de la Foi depuis une vingtaine d’années, le futur Pape Benoît XVI définissait l’Europe, par contraste : «Historiquement et culturellement, la Turquie a peu de choses en commun avec l’Europe. Ce serait une erreur de l’incorporer à l’Union. Il vaudrait mieux que la Turquie joue un rôle de pont entre l’Europe et le monde arabe. La Turquie a un fondement islamique. Elle est très différente de l’Europe qui est une collectivités d’États séculiers avec des fondements chrétiens».
Le cardinal Ratzinger, quand il choisit d’être souverain pontife sous le nom de Benoît XVI, ne devait pas ignorer ce discours de Paul VI : «C’est pour que l’idéal de l’unité spirituelle de l’Europe soit désormais sacré et intangible que nous avons voulu proclamer saint Benoît patron et protecteur de l’Europe» (Monte-Cassino, 24 octobre 1964).
Son prédécesseur immédiat, Jean-Paul II, avait assumé cette «identité chrétienne» devant le Parlement européen : «Comment l’Eglise pourrait-elle se désintéresser de la construction de l’Europe, elle qui est implantée depuis des siècles dans les peuples qui la composent et les a un jour portés sur les fonts baptismaux, peuples pour qui la foi chrétienne est et demeure l’un des éléments de leur identité culturelle ?» (11 octobre 1988).
Le vif débat qui s’engage, à partir de 1999, tenait de la question existentielle : le préambule de la Charte de l’Union européenne devait-il mentionner les héritages chrétiens du continent? L’Europe aboutira à un compromis a minima, mais excluant toute mention explicite des «racines chrétiennes».
C’est à l’occasion du cinquantenaire du traité européen que, le 24 mars 2007, et devant les évêques de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne, Benoît XVI tint son discours le plus dur contre ce qu’il aurait pu appeler l’exculturation (de soi) : l’identité propre des peuples (européens) est constituée par un ensemble de valeurs universelles que le christianisme a contribué à forger» (...) L’Europe, en oubliant son identité forgée par le christianisme, est coupable d’une forme d’apostasie.
C’est cette défense de la Chrétienté que les chrétiens, d’Europe et d’ailleurs, attendent finalement du prochain Pape. Que celui-ci soit simplement dans son rôle, sans reniement de soi pour complaire à autrui.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja