Mars 1925 - mars 2025 : questions à une centenaire

Sa famille s’était réjouie qu’elle ait atteint 100 ans. «Record battu», et littéralement «voky andro», repue d’années, elle lâchait prise six jours seulement plus tard.  

Huit enfants, quinze petits-enfants, trente-neuf arrière-petits-enfants, deux arrière-arrière-petits-enfants. Elle avait connu cette époque sans télévision, mais avec beaucoup d’enfants. 

Le jour de ses cent ans, j’allais demander aux «zafikely», les gens de ma génération, s’ils avaient eu le temps de ressusciter ses souvenirs des années 1930. 

Elle avait un peu plus d’un an quand fut adopté le décret du 26 juin 1926 instaurant le SMOTIG (service de la main d’oeuvre des travaux d’intérêt général). Et elle était certainement encore trop jeune pour avoir gardé un souvenir de la marche du 19 mai 1929 : parce qu’un chien tenu en laisse par un Français a pu rentrer au cinéma Excelsior, Andohan’Analakely, alors que la salle était interdite aux Malgaches sans citoyenneté, la conférence publique de revendication de la citoyenneté française dégénéra en la toute première manifestation de rue, à Madagascar. Le procès des manifestants interpellés se déroulera en décembre-janvier 1929-1930. Et quels échos entendit-on, à Madagascar, de la «marche du sel» en Inde, entamée par Gandhi, à partir du 12 mars 1930...

Peut-être avait-elle lu les journaux comme Ny Telegrafy, Fandrosoam-baovao, Ny Mpandinika dans lesquels la langue malgache allait se perpétuer sous la plume des poètes «mitady ny very». Sans doute avait-elle eu accès aux tout premiers «Firaketana», d’abord publiés en fascicules à partir de janvier 1937 (8 plaquettes à 12 francs pour l’année 1937). 

L’année de ses 20 ans, se tint l’élection de la première constituante : le 18 novembre 1945, le Docteur Ravoahangy affrontait celui qui fut son mentor au V.V.S., le Pasteur Ravelojaona. Dans ces années 1940, quel regard portait-on dans sa famille sur Ravoahangy : pas belliciste au sein du V.V.S., pas agitateur populaire en mai 1929, pas opportuniste lors de la guerre des troupes de Vichy contre les soldats britanniques de l’opération Ironclad (1942), peu rebelle lors des évènements du 29 mars 1947.

Débarquées à Diégo-Suarez le 5 mai 1942, les troupes britanniques de l’opération «Ironclad» chassaient les soldats français et «libéraient» Antananarivo le 22 septembre. Comme sans doute nombre de Tananariviens de l’époque, accourut-elle voir le spectacle de ces soldats français faits prisonniers : l’état-major français, en fuite, finira par capituler à Ambalavao-Ihosy le 6 novembre. 

La «Libération» sera de courte durée faute d’un Ho Chi-Minh malgache. Cinq ans plus tard survint les «évènements» du 29 mars 1947. Comment les contemporains vécurent-ils le «procès des parlementaires» qui s’est déroulé du 22 juillet au 4 octobre 1948 ? Dix ans encore jusqu’à ce 22 août 1958 où, depuis Mahamasina, le général de Gaulle prononça ces mots historiques en désignant le palais de Manjakamiadana : «Demain, vous serez de nouveau un État, comme vous l’étiez quand le Palais de vos Rois était habité». 

Seulement deux mois après, le 14 octobre 1958, le Congrès des Assemblées provinciales, réuni au Lycée Gallieni Andohalo, proclamait la République, concept largement inconnu d’un peuple qui vécut des siècles en monarchie. 

Enfin, question subsidiaire : était-ce définitivement mieux en mars 1925 ?

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

1 Commentaires

  1. la monarchie malgache était limitée à l'Imérina et au Betsiléo.Ailleurs c'était la Chefferie .Madagascar n'était pas encore une nation.

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