Il y a exactement 150 ans, le 3 mars 1875, Georges Bizet parvint à élever son chef-d’œuvre, son monument qui, du haut de sa grandeur, imposait ses notes et ses personnages au monde musical. Ce jour-là, Carmen commençait vraiment à bâtir sa légende en sublimant encore plus la nouvelle de Prosper Mérimée.
Bizet a hissé Carmen jusqu’à l’étage supérieur de l’édifice érigé par le monde de l’opéra, faisant du personnage emblématique de la nouvelle d’origine une incontournable du panthéon des femmes fatales. Carmen, avec le charisme que lui donne son esprit libre et rebelle, s’impose dans les esprits des mélomanes ou seulement de ceux qui ont eu l’occasion d’entendre les airs et notes emblématiques de la musique lyrique.
Aujourd’hui, contrairement au jour de sa première au cours duquel elle a été mal accueillie par le public et la presse, l’histoire de Carmen a encore son pouvoir fascinant, un attrait qui pourrait facilement captiver les adeptes du «girl power». Si au moment où l’œuvre a commencé à durement émerger, massacrée par son époque qui ne pouvait tolérer qu’une ouvrière prenne le dessus sur ses amants, les générations qui suivirent l’ont hissée en haut du pinacle où dominent les grands titres de l’opéra.
«L’amour est enfant de bohème Il n’a jamais jamais connu de loi Si tu ne m’aimes pas, je t’aime Et si je t’aime, prends garde à toi.» Même ceux qui sont loin d’être familiers à cette galaxie de l’univers musical connaissent ce morceau où le personnage éponyme affirme une conception de l’amour inséparable de cette liberté qui fera souffrir Don José, qui a quitté sa fiancée pour elle.
Si de nos jours, Carmen peut être un emblème du féminisme en refusant, dans la lignée de l’ouvrage Le Deuxième Sexe (S. De Beauvoir, 1949), d’être l’ «Autre» pour manifester son autonomie et sa liberté, celle qui consiste à construire son identité à travers ses choix et ses actions libres et qui rejette la mauvaise foi (Cf. J.-P. Sartre, L’Être et le Néant, 1943), pour les mélomanes, la pièce est un bijou, qu’on peut encore contempler, de l’âge où le talent vocal importait.
Carmen nous permet, entre autres, de toujours admirer la voix de Maria Callas qui fait, actuellement, l’objet d’un biopic. À travers l’une de ses plus mémorables prestations, on peut savourer notamment, dans toute sa splendeur, le fameux passage: «Toreador, en garde, Toreador, Toreador ! Et songe bien, oui, songe en combattant Qu’un oeil noir te regarde, Et que l’amour t’attend, Toreador, L’amour t’attend !»
Fenitra Ratefiarivony