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Échanges sur le révision de la Loi sur les Grands Investissements Miniers le 3 décembre 2024. |
Après plusieurs années de vaches maigres et malgré les difficultés rencontrées par Ambatovy, la plus grande entreprise du pays opérant dans l’industrie extractive, Madagascar se remet à espérer davantage d’investissements dans son secteur minier.
Les observateurs et les acteurs du secteur sont unanimes : l’industrie minière est l’un des secteurs à même de booster les investissements à Madagascar, tout en étant l’un des grands contributeurs au développement économique et social du pays. Pour justifier ce constat, ces derniers rappellent qu’il y a 15 ans, le secteur avait déjà pu contribuer aux recettes fiscales à hauteur de 1 032 milliards d’ariary (soit 7,83 % des recettes fiscales), sous forme de frais d’administration minière, de redevances et ristournes, de différents impôts, de droits et taxes à l’importation. En ce temps-là, Ambatovy, Rio Tinto-QMM, Holcim, Kraoma, Total EP, Groupe PAM, Madagascar Oil, Mainland Mining, Madagascar Consolidated Mining, Madagascar Chromium Company et Tantalum constituaient les compagnies représentant plus de 90 % des investissements et des paiements d’impôts dans le secteur minier.
Pour la Chambre des Mines, l’heure est à la relance de la machine pour attirer de nouveaux investisseurs miniers. Cette plateforme insiste en outre sur le fait que les projets miniers contribuent également au développement des infrastructures de base. En effet, l’installation des industries minières se trouve généralement dans des zones enclavées, loin des infrastructures d’usage public. Le titulaire du projet, par la mise en place des infrastructures destinées au processus de mise en route du projet, veille au bien-être de ses employés et de la population environnante en créant les infrastructures essentielles telles que les écoles, les puits, les logements, les routes ou encore les équipements énergétiques.
Engagements environnementaux
Il est également rappelé que le secteur des grandes mines crée des opportunités d’affaires pour des entreprises issues d’autres secteurs. Le développement d’un grand projet minier nécessite généralement l’interaction de plusieurs activités en amont et en aval de la chaîne de valeur du secteur minier. Ces grands projets ont des besoins spécifiques impliquant le savoir-faire de la population locale (services, main-d’œuvre, approvisionnement). Dans cet axe, le projet intervient en appui à la population locale à travers la création d’activités génératrices de revenus (élevage, agriculture, etc.), ainsi que le renforcement des capacités, afin que la population puisse bénéficier pleinement des opportunités offertes par la grande mine.
Les projets miniers visent par ailleurs l’harmonisation du développement d’une mine avec la conservation de l’environnement. Il est précisé à ce sujet que pratiquement tous les projets miniers adhèrent au renforcement de la base, notamment à travers l’éducation et la sensibilisation environnementale de la population locale, touchant à la fois les femmes et les personnes âgées. En outre, conformément aux principes de la Mise en Compatibilité des Investissements avec l’Environnement (MECIE), les industries minières en exploitation sont reconnues comme les premières entités économiques ayant adopté et appliqué le concept de « gain net » ou d’« impact positif net » sur la biodiversité, répondant au principe de mise en hiérarchie des mesures d’atténuation : évitement, mitigation, restauration et compensation (offsets).
Si la CMM ne cesse de noter la part du secteur extractif dans l’économie du pays, ainsi que la responsabilité environnementale des entreprises minières, c’est parce que les critiques à l’endroit des projets miniers ne sont pas rares. Pour sa part, l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) continue à collecter les données et à produire ses rapports afin de mieux situer l’évolution du secteur et sa contribution au développement du pays. Initiée en 2003 à Londres, l’ITIE est une norme internationale qui vise à promouvoir la transparence, la redevabilité et la bonne gouvernance des revenus issus des ressources minières, pétrolières et gazières.
Rassurer les investisseurs
Selon les explications fournies, l’objectif principal de l’ITIE est d’assurer une vérification et une publication complètes des paiements effectués par les entreprises extractives et des revenus perçus par les gouvernements provenant de ces ressources. L’initiative, dont la présentation publique du rapport 2022 pour Madagascar a été effectuée le 20 février dernier, vise ainsi à renforcer les systèmes des gouvernements et à éclairer les débats et réformes publics. C’est aussi un engagement qui offre une garantie supplémentaire aux grands investisseurs miniers internationaux. La norme ITIE, dernièrement mise à jour, introduit aussi des exigences visant à mieux comprendre l’impact de la transition énergétique, à lutter contre les risques de corruption, à améliorer la collecte des recettes et à promouvoir l’égalité de genre. On sait également qu’en novembre 2024, le Conseil d’administration de l’ITIE International a révisé le calendrier des validations des pays. Ainsi, la quatrième validation de Madagascar se fera à partir du 1er janvier 2027.
Selon les données d’ITIE Madagascar, les revenus totaux générés par le secteur extractif s’élèvent à 327,16 milliards d’ariary pour l’année 2022. La part du secteur minier représente plus de 317 milliards d’ariary. La contribution du secteur dans son ensemble pour la même période est estimée à 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) et représente 43,8 % des exportations. La plateforme d’information Economia-Expansion a rapporté de son côté que le pays recommence à attirer les investissements directs étrangers (IDE). Ces derniers ont connu une croissance marquée l’année dernière, notamment dans les secteurs des mines, des télécommunications et de la construction. Une performance tirée notamment par le secteur extractif, représentant 40 % des IDE. Ce qui a permis de renforcer les réserves de change du pays, lesquelles ont atteint 2,83 milliards USD, soit l’équivalent de 6,2 mois d’importations.
D’après les observateurs avertis, l’attrait du secteur extractif en général et de l’industrie minière en particulier repose sur l’abondance des ressources naturelles, attirant ainsi des capitaux étrangers significatifs. Ces flux financiers contribuent activement au développement économique en générant des emplois et en améliorant les infrastructures locales. Dans un monde en pleine transition énergétique, Madagascar dispose d’un large éventail de minéraux critiques indispensables à cette transformation.
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L’industrie minière représente 4,5% du PIB du pays. |
Une LGIM en cours de révision
Mais ce qui fait surtout dire aux analystes que l’espoir est de nouveau de mise en matière d’investissements miniers, c’est le processus en cours de réforme de la loi sur les grands investissements miniers (LGIM). Selon le ministère chargé des Mines, il s’agit d’une mise à jour stratégique pour un secteur qui amorce un tournant décisif. «Cette réforme s’impose suite à la promulgation de la loi 2023-007 du 27 juillet 2024, portant refonte du Code minier», a-t-on aussi fait savoir, avant de souligner que l’objectif est d’aligner la LGIM sur les exigences du nouveau cadre législatif tout en intégrant des mesures adaptées aux réalités économiques et sociales actuelles.
Au mois de décembre dernier, un atelier de concertation s’est tenu au Mining Business Center à Ivato, réunissant des acteurs clés tels que l’administration, les organisations de la société civile et les opérateurs représentant les grandes mines. Ces discussions ont permis d’identifier les ajustements nécessaires pour garantir une LGIM actualisée, inclusive et performante. Parmi les enjeux abordés par les participants à cette rencontre figuraient les contributions des grands projets au niveau national, régional et local en matière de fiscalité et de développement économique, ainsi que les perspectives d’emploi, notamment durant les phases de construction et d’exploitation des sites miniers.
Les facilités fiscales et douanières, essentielles pour attirer les investisseurs tout en assurant un retour significatif pour l’État, ont aussi été au menu, tout comme le seuil d’éligibilité des projets, qui déterminera les investissements bénéficiant des avantages spécifiques prévus par la loi, et le suivi des grandes mines, assuré par le Comité national des mines et la Commission sur les grands investissements miniers, conformément aux dispositions du nouveau Code minier.
Le ministère des Mines mise sur une approche participative pour élaborer cette réforme. Les contributions recueillies lors des consultations seront analysées pour affiner le projet de loi avant sa soumission aux instances compétentes. Cette approche vise à équilibrer les attentes des parties prenantes et les objectifs stratégiques du gouvernement. À savoir que les autorités tablent sur l’ouverture de 20 grands projets miniers dans les cinq prochaines années. La nouvelle LGIM est ainsi appelée à garantir que le secteur minier contribue efficacement à la politique générale de l’État, notamment en matière de création d’emplois, d’infrastructures et de retombées économiques locales.
PROJET BASE TOLIARA - 5 milliards USD de retombées attendues
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Les autorités tablent sur vingt nouveaux projets miniers dans les 5 ans à venir. |
Le conseil des ministres du 8 janvier 2025 a approuvé la communication relative au projet minier porté par la société Base Toliara, qui prévoit l’exploitation de sable minéralisé (ilménite, rutile, zircon et monazite) dans une zone située à 46 km au Nord de Toliara. Ce projet, d’une durée de 38 ans, est considéré comme une initiative majeure aux impacts économiques et sociaux significatifs.
Les principaux bénéfices attendus pour Madagascar incluent des investissements totaux s’élevant à 700 millions USD, le financement de projets nationaux et régionaux d’une valeur de 80 millions USD, dont 40 millions dédiés à la région Atsimo Andrefana, ainsi que des investissements communautaires de 4 millions USD par an. Concernant les revenus pour l’État, les projections estiment 180 millions USD annuels à maturité.
Ainsi, les gains totaux pour Madagascar issus de ce projet minier sont évalués à 5 milliards USD sur l’ensemble de sa durée. Base Toliara s’est également engagée à construire de nouvelles infrastructures, notamment des routes et un port au Nord de Toliara. Plus de cinq mille emplois directs et indirects seront créés, avec une priorité accordée aux populations locales. Selon le ministre des Mines, Herindrainy Olivier Rakotomalala, ce projet illustre l’engagement de l’État en faveur du développement économique, de la réduction du chômage et de la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux. Un protocole d’accord a été signé pour préciser les engagements techniques, financiers et environnementaux.
Du côté de la compagnie minière, le processus de recrutement et de formation du personnel a déjà débuté. Lors d’une conférence de presse tenue au Moringa Hôtel le 8 février dernier, les responsables ont indiqué que des appels à candidatures sont lancés progressivement en fonction des besoins de l’entreprise, actuellement en phase de préparation des travaux de construction. Avant cette phase, qui mobilisera environ
deux mille personnes, Base Toliara prévoit d’organiser des formations dans divers domaines, notamment le bétonnage, le carrelage, la maintenance, l’électricité, la mécanique, la soudure et bien sûr les opérations minières.
VERBATIM
Herindrainy Olivier Rakotomalala, ministre des Mines
« L’année 2025 sera déterminante pour l’économie extractive de Madagascar avec notamment l’ouverture de deux grandes mines. Cette perspective s’inscrit dans le Programme de mise en œuvre (PMO) de la Politique générale de l’État (PGE). Nous insistons d’ailleurs sur le fait que la promotion des grandes mines figure parmi les objectifs clés du gouvernement. Il y a aussi la promotion de la transformation locale des richesses minières et la création de valeur ajoutée, afin que ces ressources profitent directement à nos populations et aux futures générations ».
Samuel Mahafaritsy, directeur des relations externes de Base Toliara
« Dans les localités où certaines compagnies minières sont déjà implantées, les habitants se plaignent parfois de ne pas avoir l’opportunité d’y travailler. C’est la raison pour laquelle Base Toliara incite les jeunes à s’inscrire aux formations qu’elle proposera très prochainement. Étant donné que Madagascar n’est pas encore un pays minier, la population locale s’est principalement consacrée à l’agriculture et à l’élevage. Désormais, elle pourra se former et accéder à de nouvelles opportunités professionnelles ».
L’INDUSTRIE MINIÈRE EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar