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Concertation nationale sur la transformation agricole le 23 Janvier. |
Présenté depuis des années comme l’un des principaux secteurs d’avenir de la Grande Île, l’agrobusiness se développe progressivement. Et les prévisionnistes tablent sur un taux de croissance à deux chiffres dans les prochaines années.
L’agrobusiness est un terme relativement récent qui désigne l’ensemble des activités économiques relatives à la production, la transformation et la commercialisation des produits issus de l’agriculture. Et Madagascar, avec sa vaste superficie, la taille conséquente de sa population rurale, sa main-d’œuvre abondante, sa longue tradition agricole, ses ressources naturelles et sa position géostratégique, dispose de nombreux avantages pour accélérer l’essor de son secteur de l’agrobusiness.
Les spécialistes estiment que la croissance du secteur de l’agrobusiness malgache va se renforcer significativement dans les prochaines années pour répondre à une demande en produits alimentaires qui ne cesse de croître et aussi du fait que le pays soit une destination de choix pour les projets agro-industriels d’envergure. On sait que 18 millions d’hectares sont adaptés aux projets agro-industriels à Madagascar, qui est toujours mis en avant comme étant le futur grenier de l’océan Indien. Notons que la Grande Île vise une production de 11 000 000 de tonnes de paddy en 2030. C’est déjà plus que le reste des pays de la SADC combinés mais encore largement en deçà de la demande nationale et régionale.
L’île produit aussi plus d’un million de tonnes de céréales et d’autres féculents (maïs, pomme de terre, manioc, légumineuses) et des dizaines de milliers de tonnes de fruits et légumes. Sans oublier la vanille, le café, le cacao, les épices et les huiles essentielles. En outre, le pays dispose d’un secteur de l’élevage qui dispose d’une importante marge d’expansion. Ses atouts dans la pêche et l’aquaculture sont aussi multiples.
Étendre le tissu productif
Cependant, ces différents avantages ne font pas encore de Madagascar un pays de référence en matière d’agrobusiness. La production agricole et la transformation des matières premières agricoles sont encore à un faible niveau. Aussi, pour que la Grande Ile puisse faire de son secteur de l’agrobusiness l’un des principaux piliers de sa stratégie de croissance économique, il doit surmonter un certain nombre de faiblesses notamment sur le plan infrastructurel et au niveau de son tissu productif qui est encore loin de pouvoir répondre aux besoins. C’est dans ce cadre que la multiplication des zones d’investissement dédiées prend toute sa mesure. Il ne suffit pas de cultiver, il faut aussi pouvoir transformer et répondre aux attentes du marché national et international.
De leur côté, les opérateurs économiques sont de plus en plus nombreux à parier sur ce secteur. Mais les enjeux sont de taille et le pays doit aussi avoir les moyens de ses ambitions en mobilisant davantage de ressources financières. Pour transformer radicalement le monde agricole du pays et s’arrimer aux attentes du marché, des centaines de millions voire des milliards de dollars sont nécessaires. Du côté des autorités, au premier rang desquels les ministères chargés de l’Agriculture et de l’Industrialisation, on soutient que divers appuis sont effectifs ou en cours de mise en place pour accompagner les acteurs de l’écosystème de l’agrobusiness. On rappelle d’ailleurs le protocole d’accord de 100 millions de dollars signé dernièrement entre le groupe chinois Shanghai Huiyou Investment Group et le gouvernement malgache. Le partenariat prévoit la promotion de la transformation agricole, l’amélioration de la chaîne de valeur agricole, l’accroissement des investissements dans le secteur et la création d’emplois.
« La politique de l’État va dans le sens du consensus qui se fait jour en Afrique selon lequel, si l’on veut que l’agriculture soit le principal secteur qui stimule la croissance économique, il faut aussi que les investissements aillent au-delà de l’amélioration de la productivité agricole et portent sur le développement de l’agrobusiness », constate pour sa part Fanja Rakotoarisoa, spécialiste en développement rural qui a participé activement à la dernière concertation nationale sur la transformation agricole. Et elle d’ajouter que si la Grande Île possède un potentiel réel en matière d’agrobusiness à même de booster les exportations, le plus urgent est d’assurer la sécurité alimentaire.
Pour le MIC, il s’agit également de renforcer les bases productives et exploiter les filières de spécialisation de chaque région. D’où la mise en place des unités industrielles comme les huileries d’arachide, les unités de transformation de lait de chèvre, de manioc en Gari et en farine de manioc ou même de valorisation de fruit de cactus. Parallèlement, des banques alimentaires et de semences seront installées afin de subvenir aux besoins de la population rurale, notamment durant les cycles de sécheresse.
Notons également les grands projets d’aménagement agricole à l’instar de celui du périmètre du Bas-Mangoky. L’objectif est d’exploiter près de 60 000 hectares de terrains dans la région en vue de cultiver à grande échelle différentes spéculations. Parmi les produits attendus, citons le riz, le maïs, le blé, le soja, l’arachide et le pois du cap. Nombre de terrains concernés par ce programme doivent encore être aménagés. Ce qui nécessitera des investissements conséquents surtout que les concepteurs du projet ont mis la barre très haut : 350 000 tonnes pour le riz, 200 000 tonnes pour le maïs et 150 000 tonnes pour le blé au démarrage. Pour les autres cultures, les prévisions de production de soja, de pois du cap et d’arachide sont respectivement de 300 000 tonnes, 20 000 tonnes et 30 000 tonnes chaque année.
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Renforcement des compétences des agriculteurs dans le district d’Ambilobe. |
Recherche et innovation
Mais l’agrobusiness doit aussi rimer avec recherche et innovation. Les responsables publics et leurs partenaires affirment être bien conscients de cet enjeu. C’est dans ce cadre que les autorités ont choisi de promouvoir l’agrégation agricole en collaboration, notamment avec les organismes œuvrant dans la recherche agricole. À noter que l’agrégation est une forme évoluée de l’agriculture contractuelle déjà mise en pratique dans le pays depuis plusieurs années. Le principe reste le même : les entreprises avancent les semences, les engrais et les matériels, et encadrent les paysans.
Mais force est aussi de constater que Madagascar doit encore déployer de gros efforts pour se conformer aux standards internationaux en matière d’agrotechnologie. Sur ce point, la Grande Île souffre des mêmes lacunes que les autres pays africains. Selon une enquête menée par Heifer International, malgré un large éventail d’innovations agrotechnologiques susceptibles de propulser les agriculteurs vers la rentabilité, près de 20 % seulement des jeunes travaillant dans l’agriculture utilisent une forme quelconque de technologie agricole, révélant un manque de financement et de formation.
Le rapport souligne la nécessité de nouveaux investissements afin de promouvoir l’accès à des innovations susceptibles d’encourager les agriculteurs, notamment les jeunes désintéressés aujourd’hui par l’agriculture, à reconsidérer les opportunités offertes par la filière - compte tenu notamment de la nécessité de générer des emplois et de réparer les systèmes alimentaires mis à mal par la pandémie et aggravés par le changement climatique.
« Alors que de plus en plus de jeunes sont prêts à se lancer dans l’agriculture, il est indispensable de leur donner les moyens d’innover pour pouvoir produire plus et mieux », fait remarquer Philippe Martin, spécialiste en projets agricoles intégrés qui connaît bien Madagascar. Et notre interlocuteur de poursuivre que des efforts sont encore à consentir pour fournir le financement et la formation nécessaires pour s’assurer que les jeunes et les petites et moyennes entreprises ont un accès facile aux outils de haute technologie agricole - notamment des drones, des capteurs de sol de précision et des services numériques aux agriculteurs.
Il faut reconnaître cependant que les institutions financières, à l’instar de la Banque Africaine de Développement (BAD), sont de plus en plus actives dans les pays comme Madagascar pour combler les retards accumulés dans ce domaine. L’on constate également que de plus en plus de jeunes entrepreneurs opérant dans les nouvelles technologies s’intéressent aux innovations capables de booster le monde agricole en général et l’agrobusiness en particulier. Sans oublier les initiatives des grands groupes qui, à travers des concours, des formations et des actions d’accompagnement, modernisent progressivement les activités agricoles à Madagascar. D’où cette projection de croissance à deux chiffres à l’horizon 2030 de l’agrobusiness contre moins de 5% actuellement.
TRANSITION AGRICOLE -Un mouvement en marche
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Le secteur de l’agrobusiness a besoin d’être mieux outillés. |
Le ministre malgache de l’Agriculture, François Sergio Hajarison, a rencontré dernièrement Dejena Tezera, directeur du département agriculture de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI). L’objectif de cette rencontre était de renforcer les projets de développement durable et de structurer une filière agro-industrielle inclusive. Constat a aussi été fait à cette occasion que la transition agricole est en cours à Madagascar et que le secteur de l’agrobusiness dispose de bonnes perspectives de croissance.
Selon les explications fournies, les deux responsables ont discuté du partenariat entre leurs institutions. L’enjeu est de transformer les engagements en actions concrètes afin de moderniser le secteur agricole malgache. Le ministre a réaffirmé l’importance accordée à l’agriculture familiale, cœur de l’économie rurale, en insistant sur l’accès aux intrants, aux équipements et à la formation. Mais le membre du gouvernement a également souligné la nécessité de passer d’une logique de subsistance à une dynamique de compétitivité, notamment à travers l’agrobusiness. Il a rappelé la volonté des autorités d’étendre les surfaces cultivables et de promouvoir des pratiques résilientes face aux aléas climatiques.
Pour sa part, Dejena Tezera a souligné que pour soutenir cette transition agricole, l’ONUDI mobilisera ses partenaires techniques et financiers, tels que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et le Fonds International de Développement Agricole (FIDA). Les échanges ont aussi porté sur la gouvernance des terres, la sécurisation des investissements et l’intégration des petits et moyens producteurs dans les chaînes de valeur. Dejena Tezera a noté que l’ONUDI a pour mission de créer des ponts entre les politiques nationales et les solutions industrielles durables, soulignant l’importance de l’innovation et de la formation professionnelle.
On sait en outre que les projets envisagés vont privilégier les régions vulnérables comme l’Androy où la désertification menace les moyens de subsistance. Des initiatives pilotes combineront irrigation solaire, diversification des cultures et soutien à la commercialisation. À une échelle plus large, cette coopération vise à attirer des investissements privés pour structurer des filières complètes, de la production à la transformation locale. Avec une grande partie de la population opérant dans le secteur agricole, Madagascar attend beaucoup de cette coopération pour réduire sa dépendance aux importations alimentaires et donner une envergure nouvelle à son secteur de l’agrobusiness.
VERBATIM
Ladislas Adrien Rakotondrazaka, coordonnateur national du projet Pôle intégré de croissance (PIC)
« À travers le programme «Madagascar Business and Investment Facilitation» ou MBIF, nous soutenons le développement de l’agrobusiness dans le pays. Il s’agit d’allouer, sur une base compétitive, des fonds de contrepartie destinés à soutenir des projets d’investissements privés structurants dans le secteur de l’agrobusiness dans les zones d’intervention du PIC 3. Les ramifications du projet sont diverses, cela va de la transformation de produits comme le cacao, le miel ou les huiles essentielles, aux produits de rente plus classiques comme le girofle ».
L’AGROBUSINESS EN CHIFFRES
L'Express de Madagascar