Janvier en longueur

On est dans la période où le mois de janvier monte les dernières marches qui précèdent une autre phase de l’évolution de l’année, celle où elle atteint un autre niveau, un autre mois. Si le temps semble effectuer, selon notre sensibilité, une course, cette même subjectivité humaine ressent la marche de janvier, qui a la réputation d’être le mois le plus long. Un long voyage qui peut éreinter les individus qui s’y embarquent, des consciences qui ne peuvent se soustraire, selon Emmanuel Kant, au temps qui est, avec l’espace, une forme a priori de la sensibilité. 

Alors qu’objectivement, janvier a autant de puissance que six de ses onze collègues qui vont encore lui succéder, il se ressent comme une preuve incontestable de la distinction que Henri Bergson a faite du temps, celui qui est mesuré par les horloges et ses dérivés et la durée, celle qui est vécue différemment par celui qui s’ennuie et voit les secondes s’éterniser et celui qui savoure des heures festives qui s’écoulent rapidement comme les eaux d’une chute. Ce premier mois de l’année prend ainsi, dans l’imaginaire, l’apparence d’un élastique dont le volume se voit rallongé par le dur quotidien. 

Débuter l’année, c’est traverser les premières semaines plus ordinaires, celles de la réalité retrouvée, qui font durement suite à une longue période de douceur durant laquelle le climat était au bon temps sous le soleil de la fête. Et quand les illusions des célébrations et des jours lumineux qui les entourent se dissipent et que la routine et ses aléas reprennent ses droits, le retour sur terre est d’une pesanteur pénible qui dilate les heures, les jours ou les semaines qui prennent une ampleur pesante, donnant aussi une illusion, celle qui nous fait voir janvier comme un des mois les plus durs. Mais heureusement que les fêtes peuvent encore connaître des moments précieux de ressurgissement. 

Les premiers jours qui couvrent les premiers mois sont aussi ceux d’un état de grâce où la magie des vœux de nouvel an peut encore être opérante. Et avec ce charme pas encore parti, les retrouvailles familiales ou amicales s’incrustent dans ce mois lourd pour lui donner un minimum de légèreté. Parce que ces interactions sociales sont remplies de la précieuse et machinale formule où on se souhaite une “bonne année”, nous sommes, implicitement, invités à traquer les victoires et les succès pour cette année nouvelle. Et pourquoi ne pas commencer par triompher du poids des premières semaines ?

Fenitra Ratefiarivony

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