DÉVELOPPEMENT - Le secteur de l’agro-industrie continue sa progression

Une unité agro-industrielle de production de ketchup made in Madagascar.

Porté par une volonté politique plus affirmée et des opérateurs économiques plus dynamiques et plus visionnaires, le secteur de l’agro-industrie accélère son développement et conforte sa position de pilier économique du pays.

Madagascar, un pays riche de ses hommes, de ses ressources naturelles et de sa position géostratégique, est présenté comme la destination idéale pour tout projet dans le secteur de l’agro-industrie. Sur les 60 millions ha de superficie totale de la Grande Île, presque la moitié se prête à l’agriculture et 18 millions ha demeurent encore disponibles. Une étendue qui dépasse largement la masse terrestre de toutes les autres îles de l’océan Indien combinées. Une large gamme de produits tropicaux et tempérés se côtoient grâce à la diversité des conditions pédoclimatiques de l’île et à l’existence de ressources en eau pour l’irrigation et la production d’énergie. Bref, tout ou presque est réuni pour que l’agro-industrie puisse prospérer durablement.

Du côté du ministère chargé de l’Agriculture, on fait remarquer que l’agro-industrie constitue le seul moyen pour Madagascar d’atteindre son objectif de produire sur place l’essentiel des besoins de la population tout en perçant davantage les marchés internationaux. Ce constat a été rappelé le 20 novembre dernier lors de la rencontre entre le titulaire de ce département, Hajarison François Sergio, et les représentants des principaux acteurs de la filière qui viennent de mettre sur pied un groupement.

Pour les partenaires techniques et financiers, la montée en dynamisme de ce secteur à Madagascar résulte d’une prise de conscience des différentes parties prenantes, mais aussi des efforts déployés depuis des années pour ancrer la transformation agricole dans le dispositif de développement du pays. Dans ce cadre, de nombreux programmes ont été mis en place, à l’image du Projet de développement de la zone de transformation agro-industrielle dans la région du sud-ouest de Madagascar (PTASO). Financé par la Banque Africaine de Développement (BAD), ce dernier vise la réduction du volume des importations agroalimentaires et l’amélioration de la sécurité alimentaire par la promotion de la transformation inclusive de l’agriculture, à partir du développement des infrastructures de base et de la mise en place d’un cadre incitatif pour l’investissement privé dans les chaînes de valeurs prioritaires.

Implémentation des techniques modernes dans les agricultures familiales, promotion de l’agri-business et augmentation du nombre des agripreneurs, mise en place de pôles intégrés de croissance agro-industriels et des ODOF (One District, One Factory)… les solutions pour redimensionner le secteur de la transformation agricole et atteindre les objectifs fixés en matière de sécurité alimentaire sont déjà identifiées. Le coût global d’un tel engagement nécessite des centaines de millions de dollars américains. Mais le jeu en vaut largement la chandelle et les partenaires semblent disposés à y contribuer activement.

Notons aussi la signature effectuée, au mois d’août dernier, d’une convention de collaboration entre le ministère en charge de l’Industrie et son homologue de l’Industrialisation. Cet accord s’inscrit dans le projet d’implantation d’un Parc Agro-industriel (PAI) et d’un Guichet Unique Agricole (GUA) dans la région Atsimo Andrefana. « Nous sommes partenaires dans la mise en place de ces infrastructures visant à booster le secteur de l’agro-industrie. L’objectif est de réduire drastiquement les importations de produits agroalimentaires transformés, améliorer la sécurité sanitaire des aliments à Madagascar, et renforcer les compétences des agriculteurs entrepreneurs », ont indiqué les deux départements. 

Une multitude de filières à promouvoir

À noter que le secteur de l’agro-industrie comporte une large diversité de filières. Elles vont de la transformation des matières premières agricoles (riz, maïs, cacao, vanille…) à l’économie bleue (aquaculture, transformation des produits de la pêche…) en passant par la filière laitière ou encore les huiles essentielles. Selon les estimations, toutes ces activités représentent actuellement plus de 12 % du Produit intérieur Brut (PIB) de Madagascar. À l’horizon 2040, le secteur pourrait représenter plus de 35 % du poids économique du pays malgré la concurrence acharnée des autres secteurs à fort potentiel comme le numérique et le tourisme.

Selon Hajatiana Raveloarisoa, spécialiste en prospective économique, les différentes filières qui composent le secteur ne pourraient connaître une croissance forte et inscrite dans la durée sans une stratégie intégrée agriculture-industrie. Une orientation qui table sur une production agricole compétitive et durable, intégrant exploitations agricoles et unités agro-industrielles modernisées. Notre interlocuteur rappelle que Madagascar a commencé à implémenter cette stratégie depuis le milieu des années 2000 à travers notamment le Plan Sectoriel Agriculture Élevage Pêche. 

« Maintenant, le défi est de passer à une nouvelle étape qui inclut l’exploitation rationnelle et durable des espaces de production et de transformation des ressources, l’augmentation significative des investissements publics et privés, ainsi que l’amélioration de l’accès aux marchés nationaux et internationaux ».

Après avoir souligné que, par définition, les agro-industries sont les unités transformant les matières premières d’origine agricole (culture, élevage, pêche et aquaculture, cueillette) en produits finis ou semi-finis alimentaires, para-alimentaires, cosmétiques et para-pharmaceutiques, para-chimiques, etc., Hajatiana Raveloarisoa note que les traitements de transformation peuvent aller d’un simple conditionnement (pour la commercialisation en frais, par exemple) à des traitements de conservation ou de transformation complexes comme la production de plats prêts à consommer. Et à son avis, l’urbanisation croissante et la « modernisation » du mode de vie et de consommation vont booster les demandes en produits transformés.

Souvent, quand on parle d’agro-industrie, le potentiel de développement de l’industrie laitière est souvent avancé. En effet, la consommation de lait et de ses dérivés demeure encore faible à Madagascar, tournant autour de 5 litres par habitant par an, contre 25 litres pour l’Afrique et 255 litres en France. Pourtant, le pays a un climat favorable pour l’élevage de vaches laitières. Selon les estimations, la production de lait dans le pays (50 millions de litres par an) peut être doublée à moyen terme. Le développement de la filière agro-industrielle du lait pourrait alors s’accélérer significativement. Mais il faudrait que les paysans et les entrepreneurs soient mieux encadrés et soutenus.

L’État s’implique dans la multiplication et la modernisation des outils industriels.

Des grands défis régionaux

Mais le secteur malgache de l’agro-industrie est aussi appelé à jouer un rôle de premier plan au niveau régional, notamment pour l’Indianocéanie. Car si la demande locale va croître régulièrement, les besoins des îles sœurs suivent aussi cette tendance. Pour la Commission de l’océan Indien (COI), dont le secrétariat général est dirigé par Edgard Razafindravahy, l’amélioration des systèmes alimentaires et la souveraineté agro-industrielle figurent parmi les grandes priorités de la région. C’est dans ce cadre qu’a été mis en place le Programme régional d’appui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de l’océan Indien (SANOI). Le projet de mise en place d’un Fonds d’investissement agricole va aussi dans ce sens.

On constate en outre que les investissements tendant à accroître la capacité de production dans l’agriculture et l’agro-industrie doivent porter non seulement sur les équipements et les unités de valorisation de la production, mais aussi sur la diffusion d’informations scientifiques et technologiques, la capitalisation du potentiel humain disponible et la création d’un capital social adapté aux réalités du pays. Ces points sont présentés comme des préalables pour que Madagascar puisse satisfaire la demande régionale en matière de produits agricoles transformés.

Mais force est aussi de remarquer que les entreprises n’attendent pas que toutes les conditions soient réunies pour accélérer. Plusieurs exemples illustrent ce constat. Citons en premier le groupe mauricien Eclosia (Avitech, LFL…) qui n’a cessé d’étendre ses activités dans la Grande Île. De son côté, la société Bovima (Inviso Group) a signé un partenariat soutenu par le programme INTERREG VI. Ce projet vise à fournir Mayotte en viande bovine depuis Madagascar, en respectant les normes européennes. La Chocolaterie Robert, implantée à Madagascar depuis plus de 70 ans, s’active également pour renforcer sa présence dans les îles de l’océan Indien.

Par ailleurs, selon les données partagées par le groupe ArBiochem, 75 % des unités de transformation de fruits et légumes dans l’océan Indien se trouvent à Madagascar où l’on note près de 15 000 tonnes de conserves de fruits exportées, 4 000 tonnes de conserves d’haricots verts, et 800 tonnes de confitures de fruits. La transformation des fruits et légumes concerne essentiellement la production de confitures, de fruits au sirop, de jus naturels et également d’achards de légumes, brèdes et cèpes. On assiste à une progression du nombre des unités de transformation qui, cependant, restent de taille modeste. Une soixantaine de producteurs sont regroupés au sein de l’Union des producteurs de fruits et légumes (UPFL) qui transforment annuellement environ 1 500 tonnes de fruits et légumes en confitures destinées au marché local et à l’export.

ASSOCIATION AGRO-INDUSTRIE DE MADAGASCAR  - En mode lobbying

L’agro-industrie pourrait représenter 35% du PIB du pays en 2040.

L’Association Agro-Industrie de Madagascar (AIM) réunit les acteurs de l’agro-industrie malgache pour une croissance durable. Le groupement défend les intérêts de ses membres tout en soutenant l’autonomisation des producteurs pour un secteur plus inclusif à Madagascar. Dernièrement, cette plateforme a dévoilé un projet visant à créer un espace de dialogue entre le secteur privé et les agriculteurs producteurs.

Cette initiative a été présentée lors d’une rencontre tenue au ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, il y a quelques semaines. Selon l’AIM, qui est actuellement présidée par Rivo Andriamanalina, ce projet a pour objectif de faciliter la production agricole tout en intégrant les agriculteurs comme membres actifs de l’association. 

« Cette intégration permettra aux producteurs de bénéficier de plusieurs avantages communs: la création d’emplois, la promotion des produits locaux et la réduction des importations », a-t-on aussi expliqué.

Actuellement, l’AIM rassemble un peu moins de dix grandes entreprises opérant dans le secteur de l’agro-industrie à Madagascar. Ses sociétaires ambitionnent de renforcer les collaborations avec les agriculteurs. Parmi les membres de l’association figurent des acteurs majeurs comme Biochem, Basan, Henri Fraise Fils & Cie, Imperial Brands, Sahanala Madagascar, Star ou Taloumis. Ces entreprises sont déjà impliquées dans la production et la transformation agricole, collaborant avec environ deux cent mille producteurs et éleveurs répartis à travers le pays. Ensemble, elles emploient plus de vingt mille personnes. Le projet de plateforme de discussion et de sensibilisation vise à approfondir cette coopération en misant sur une approche durable et inclusive.

L’AIM affirme en outre que son action s’inscrit dans une logique de développement durable, touchant à la fois les zones rurales et urbaines. Dans cette perspective, l’association s’engage à promouvoir les investissements directs nationaux (IDN) et étrangers (IDE), tout en développant des filières intégrées qui favorisent la création de valeur ajoutée localement. « Cette initiative, qui met en avant la collaboration entre le secteur privé et les petits producteurs, est également une réponse aux défis économiques du pays. En réduisant les importations agricoles, l’AIM ambitionne de renforcer l’autosuffisance alimentaire tout en stimulant les exportations », a-t-on ajouté.

VERBATIM

Fanja Raharinomena,  secrétaire générale du ministère de l’Agriculture (MINAE)

« Les autorités s’engagent à promouvoir la transformation des produits locaux pour stimuler l’économie, en mettant l’accent sur les produits de base. Dans ce cadre, le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage apporte un appui technique, en facilitant la fourniture d’équipements aux agriculteurs et en renforçant les compétences dans la production, afin d’augmenter la disponibilité des matières premières transformées ».

L’AGRO-INDUSTRIE EN CHIFFRES


L'Express de Madagascar

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