Les images diffusées par une chaîne de télévision front froid dans le dos. Les victimes de la tragédie de Betroka où un bus, surpris par une tornade, a été emporté par les eaux, ont été extirpées comme on tient un lapin, en particulier les enfants. Il ne fallait pas en rajouter avec la diffusion sans filtre de ces images insoutenables. L’ampleur du drame, le nombre des victimes, aurait suffi pour informer.
Ce genre d’accident est inévitable et il devait arriver un jour ou l’autre, vu les conditions dans lesquelles le voyage se fait, vu l’état calamiteux des routes, vu la négligence et l’imprudence des transports, vu le laxisme des autorités routières. Les passagers sont envoyés à l’abattoir, au sens propre de l’expression.
Près de deux cents personnes ont été entassées dans un camion transformé en « karandalana », appellation du bus servant de « van » pour transporter les passagers vers le Deep South. Il s’agit d’un camion surélevé pour pouvoir supporter l’état cahoteux des routes dans cette partie de l’île.
Avec ce nombre de passagers, on n’est pas loin de la capacité d’un Airbus A 320. La comparaison s’arrête aux chiffres. La sécurité, le confort et les conditions de voyage n’ont rien de comparable. Mais on ne peut en vouloir aux victimes. C’est le seul moyen de transport existant et approprié pour relier la capitale à cette partie de l’île. Chaque voyage est un risque, étant donné le nombre de passagers, le volume et le poids des bagages qui sont loin de respecter les normes fixées par les autorités routières. Mais les préposés au contrôle de la circulation et des automobilistes préfèrent fermer les yeux pour les raisons évoquées et moyennant un petit quelque chose à chaque vérification de papier.
Et puis voilà, tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. L’inévitable est arrivé révélant au public toutes les irrégularités commises, mettant à nu toutes les complicités fatales causant la perte de neuf passagers.
Comment un tel engin peut-il avoir le droit de faire un transport public alors que rien qu’à voir son aspect, on réalise qu’il constitue un danger ambulant ? Au plan technique, ce camion n’aurait jamais pu être autorisé à embarquer des passagers, vu qu’on a changé plusieurs données techniques modifiant sa stabilité. Aussi curieux que cela puisse paraître, les camions plus petits comportent la mention « Tsy minday pasazy » (Interdit aux passagers), bien visible sur les côtés.
Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame arrive et sans des mesures sévères, il y en aura encore d’autres. La pauvreté ne doit pas être une excuse pour ne pas se mettre aux normes et observer les règles minimum de sécurité. C’est une question vitale.
Sylvain Ranjalahy