Une remise en question de la colonisation merina au Betsiriry

Le Betsiriry se situe entre les rivières Mania, Mahajilo et Iandratsay qui forment la Tsiribihina.

La colonisation merina dans la région occidentale du Vakinankaratra est remise en question au cours de la période 1865-1889. Elle semble due à une situation intérieure à la province, peu propice à une surveillance efficace des frontières. D’autres facteurs locaux s’y ajoutent.

Le premier est le mouvement migratoire des groupes Bara qui s’amorce à dater de 1850 dans le Sud de la Grande ile, pour atteindre progressivement les zones Ouest plus septentrionales. Sous ces pressions, il est possible que les peuples sakalava soient contraints de se déplacer et, de ce fait, de se rapprocher des zones de colonisation merina. « La turbulence sakalava n’aurait fait que profiter de cette conjoncture à laquelle se lia, d’autre part, la recrudescence du brigandage » (Jean-Yves Marchal, directeur de recherches de l’Orstom, 1994).

Cela provoque sur tous les fronts occidentaux de la colonisation merina, des périodes d’incursions. Ainsi le père Henri-Marie Dubois (« Monographie des Betsileo ») relate des attaques bara dans le Sud du Betsileo à partir de 1811. Les Bara envahissent saisonnièrement le royaume du Manandriana à dater de 1882. Plus tard, c’est au royaume d’Isandra de subir les attaques combinées de Bara et de Sakalava auxquels se joignent des brigands betsileo. « Malgré canons et soldats, les ‘fahavalo’ (ennemis) continuent leurs exploits.  Ceci entre 1887 et 1892. »

Dans le Moyen-Ouest, M. Maistre, membre de la mission du Dr. Catat, écrit en juillet 1889 : « La veille de mon arrivée à Ankavandra, j’ai rencontré toute la population hova d’Andranonandriana qui émigrait vers Tananarive. Les Sakalava avaient attaqué le poste quelques jours auparavant et les Hova avaient été obligés de l’évacuer (…) Tout le pays était en guerre, depuis Beticho qui a été attaqué deux jours après mon arrivée, jusqu’à Imanandoza… À Tsiroanomandidy, j’étais obligé d’attendre quinze jours pour un laissez-passer du gouvernement hova, les gouverneurs des postes frontières ayant l’ordre de ne laisser passer aucun étranger s’il n’est muni d’une autorisation spéciale. »

Parlant du district de Bevato, le lieutenant de Cointet note en 1897 : « Il n’y a plus que cinq cents âmes dans le dist rict tout entier… Le pays était, paraît-il, beaucoup plus peuplé autrefois… Il comprenait cinq mille individus avant les incursions sakalava qui l’ont ruiné. Ceux-ci auraient enlevé en une seule expédition, il y a quelques années, deux mille bœufs et quatre-vingt personnes. » Plus à l’Ouest, il remarque que les espaces entre les postes frontières sont à peu près déserts.

Mais avant les autres peuplades de la côte Ouest, les Sakalava du Betsiriry entreprennent leurs raids dévastateurs. Ils ont un avantage. Jamais soumis, même temporairement, ils ont de tout temps pu entretenir des contacts avec les étrangers qui longent leur côte. Morondava et l’estuaire de la Tsiribihina sont fréquentés par des navires de tous genres qui, contre des esclaves et du ravitaillement en viande, offrent en échange des armes.

Il semble aussi qu’en 1883, les Français fournissent aux Sakalava une aide efficace du fait de la guerre qu’ils entretiennent contre la monarchie merina.

Le second facteur est un «relâchement » de l’organi-sation militaire merina dû à l’incapacité de chefs locaux et favorisé par des difficultés de recrutement. Rainilaiarivony, appelé au poste de Premier ministre en 1864, ré-institue l’impôt pour entretenir des armées, décide la conscription en 1878-1879 et chaque province doit fournir cinq mille hommes. Il institue également les « Amis des villages » (Sakaizambohitra), sorte de chefs placés par l’administration au-dessus du pouvoir de décision des «fokonolona ». Une réorganisation des garnisons suit, ce qui permet aux éleveurs d’envoyer leurs troupeaux dans l’Ouest. Les villages de « voanjo » (colons) se multiplient et les commerçants peuvent se déplacer le long de la route des forts. Enfin en 1889, le Premier ministre nomme dans chaque province des gouverneurs.

Mais tout cela ne sert qu’à pallier « les déficits d’un État intérieur allant en se dégradant. » À partir de 1883, année où le gouvernement accentue ses efforts pour la défense des ports afin de répondre à une éventuelle attaque française, l’administration se désorganise. Il apparaît aussi que les officiers en vue briguent des honneurs à Antananarivo, tandis que, dans les provinces éloignées, beaucoup d’autres ne sont pas à la hauteur. Tout au moins jusqu’à la nomination des gouverneurs en 1889.

D’après le père Dubois, « les gens d’Isandra soumis aux incursions (1887-1892) songèrent à faire la guerre aux Bara et à demander à la Reine ce qui était nécessaire à l’expédition ». Mais les officiers merina, sans en référer à la Cour, évoquent des difficultés financières et la capitale n’est avertie qu’épiso-diquement de la situation sur les confins betsileo.

Pela Ravalitera

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