Il y a quelques jours, nous avons vécu cette période qui ne nous traverse qu’une fois par an, celle des heures qui suivent la sortie des résultats du baccalauréat, avec son cortège d’euphorie qui envahit les réseaux sociaux. Ce fut encore une journée où la même réplique a proliféré, avec presque toujours ce péché orthographique consistant à rajouter un “c” en trop au diminutif, ce même refrain annuel mais chanté par d’autres acteurs et parmi eux, de vaillants héros et héroïnes en herbe qui méritent d’être félicités pour le parcours couronné après douze ans de scolarité.
Après avoir connu le meilleur comme le pire dans le monde de l’école, rythmé par le stress des examens, voir ses efforts aboutir à l’une des performances qui peuvent procurer ce sentiment de triomphe à la jeunesse ne peut stopper la poussée de bonheur incoercible qui prend possession des cœurs. De précieuses minutes d’extase qui pénètrent chaque parcelle du corps et de l’esprit, un excès d’allégresse qui ne peut que déborder sur les différents moyens d’expression, principalement sur le canal où nous naviguons durant l’essentiel de nos journées : Facebook, une plateforme où se déploie la forme moderne du narcissisme.
Partager sa joie est tout à fait légitime, et chacun a droit à ce que cet enfer qui est “les autres”, d’après la célèbre citation de Jean-Paul Sartre, se métamorphose en un lieu de plaisirs que peuvent procurer les likes. Obtenir le baccalauréat, c’est la porte d’accès à un rêve, une fuite au cours de laquelle les semaines font planer l’heureux lauréat, comblé par les “félicitations” qui excitent l’amour-propre, “le plus grand de tous les flatteurs” selon La Rochefoucauld et qui est surtout cette importance qui est accordée à l’image qu’on veut donner aux yeux d’autrui selon Rousseau.
Faire cette exaltante expérience, c’est connaître les sentiments oniriques d’un bovarysme où la sensation d’être le maître du monde peut aisément être acquise. Mais comme Emma Bovary, longtemps bercée par les idéaux lus dans les romans, la réalité pourra toujours reprendre ses droits avec une force qui peut être violente pour ceux qui ont trouvé refuge trop longtemps dans la félicité du succès.
Ce premier diplôme universitaire porte en lui la pesanteur de nouvelles lourdes responsabilités, l’entrée dans un autre niveau. Et quand l’attention a été longtemps distraite par une trop intense sensation de béatitude, toucher à nouveau le soleil de la réalité peut brûler les ailes comme lorsque la chaleur de ses rayons a fait chuter Icare dans le fameux récit de la mythologie grecque.
Fenitra Ratefiarivony