Réseaux dystopiques

Les déroutantes pérégrinations dans l’étourdissant labyrinthe des réseaux sociaux peuvent nous ramener, à un nombre considérable de fois, à un point où le guide algorithmique veut qu’on fasse escale durant nos voyages quotidiens sur la toile. Et parmi ces lieux affectionnés, on peut évoquer celui où est exposé un diagramme de Venn, composé de cercles qui partagent une surface censée être celle de l’époque contemporaine où fusionnent donc les figures qui représentent les œuvres de la littérature de science-fiction d’autrefois et des mondes qu’ils ont créés qui partagent des points communs déconcertants avec le nôtre. 

C’est en voyant l’entrelacement de ces livres qui semblent tous converger vers le monde actuel et réel qui transcende la fiction, qu’une phrase de James Cameron est apparue : «le rôle de la science-fiction, c’est d’avertir les gens, de les éveiller.» Les romans de George Orwell, d’Aldous Huxley, de Philip K. Dick ou de Frank Herbert prennent, de nos jours, les apparences d’un jaillissement depuis des sources prophétiques et on les lirait aujourd’hui pour éclairer ce qui constitue la face sombre de l’héritage de l’élan prométhéen de l’homme qui, à force d’user du feu technologique, a amorcé une chute qu’on peut encore stopper ou, au moins, amortir. 

Et maintenant, on assiste à une invasion de la concrétisation des produits de l’imagination de ces écrivains qui ont franchi la frontière qui les a séparés de la réalité. Comment alors ne pas reconnaître la même prolifération actuelle des fake news dans Fahrenheit 451 (R. Bradbury, 1953), l’incursion de l’intelligence artificielle dans Blade Runner (P.K. Dick, 1968), ou la dépendance au virtuel dans Nécromancien (W. Gibson, 1984), qui ont quitté leurs supports de papier pour se matérialiser et fusionner avec la chair du monde. Le destin qui attend également un nombre considérable de livres et de films ?

Le philosophe Jean Baudrillard a dressé une phénoménologie de la manipulation par les médias qui contrôlent de précieuses parcelles de la réalité et qui, aujourd’hui, se construit sur les réseaux sociaux où les simulacres, générés par les images et les signes, se sont imposés comme des outils efficaces pour influencer la masse. Et c’est ainsi que l’homme a donné la vie à Big Brother et son regard permanent qui ont dépassé le cadre du roman 1984 (G. Orwell, 1949) pour s’imposer dans notre quotidien. 

Et quand on pense aux autres scénarios, non encore réalisés, que les maîtres de la science-fiction ont imaginés, comme l’épuisement des ressources vécu par les personnages de Soleil vert (H. Harrison, 1966), la guerre entre l’homme et les machines qui se trouve au cœur de l’univers de Terminator (J. Cameron, 1984), ou la submersion des continents annoncée par Waterworld (K. Reynolds 1995), on devient facilement conscient de l’urgence, de la nécessité d’une métamorphose de la mentalité consumériste et de notre tendance à céder à la tentation de l’hybris.

Fenitra Ratefiarivony

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