Aujourd’hui, en guise d’obole à la «journée internationale des droits des femmes», je vous partage le beau discours, salué par une longue standing ovation, du Sénateur français, Claude Malhuret. C’était le 4 mars 2024, à l’occasion de la réunion du Parlement français en Congrès pour adopter le «projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse».
Claude Malhuret, très exactement 74 ans ans en ce 8 mars, avait choisi de raconter une histoire survenue quand il n’avait que vingt-cinq ans : «coopérant, médecin-chef d’un petit hôpital dans un coin perdu d’un pays du Sud. Hôpital est un bien grand mot car les maigres équipements dont il disposait l’auraient à peine fait classer chez nous comme un dispensaire ; quant à Médecin-chef, titre ronflant puisque, en fait, tout simplement le seul médecin dans cette circonscription».
Ce pays, avec son pauvre dispensaire et son médecin solitaire, mais surtout l’absence de loi qui autorise et protège l’interruption volontaire de grossesse, pourrait être Madagascar. De 1975, comme de 2024, parce que rien n’a changé.
C’est donc l’histoire d’une adolescente, victime d’une grossesse non désirée, qui a accouché clandestinement avant d’enterrer son bébé. Trahie par les chiens errants et arrêtée par les gendarmes qui la traînèrent chez le médecin pour prouver son récent accouchement.
«Je savais pourquoi cette jeune femme était là, dans un pays comme tant d’autres, où fille-mère, c’était le mot de l’époque, signifiait bannissement social et déshonneur pour la famille, où l’avortement était interdit et sévèrement puni.
J’imaginais sa vie au cours des derniers mois, découvrant d’abord effrayée son retard de règles puis voyant son ventre s’arrondir et masquant sa grossesse avec de plus en plus de mal, accouchant seule en se cachant, enterrant maladroitement l’enfant sur place, folle de douleur et de culpabilité.
Je repense souvent à elle et à ses yeux d’animal traqué et moi, me demandant combien d’années de culpabilité, peut-être toute une vie, pour avoir tué son enfant.
Des histoires comme celle-là, je pourrais vous en raconter d’autres si nous en avions le temps. Des avortements clandestins qui se terminent mal, des condamnations, des stérilités définitives.
Chez nous aujourd’hui, ces histoires n’existent plus depuis la loi Veil (NDLR : 17 janvier 1975). 40% au moins des femmes dans le monde vivent dans des pays où les drames tels que celui que je vous ai retracé continuent, parce que rien n’a changé.
En étant le premier pays au monde à garantir cette liberté dans notre Constitution, nous allons susciter, là où nous sommes encore, sinon un exemple du moins une référence, des débats, des prises de position, des avancées, j’espère, qui rapprocheront le jour où, comme ici, les femmes seront libérées de la peur, de la culpabilité et de l’impuissance à maîtriser leur destin.
Au moment de voter, mercredi dernier au Sénat, j’ai revu le visage de cette jeune femme dont la vie et celle de son bébé ont été anéanties. Et je le reverrai tout à l’heure lorsque j’irai voter à nouveau. En espérant que mon vote soit utile, non seulement aux millions de femmes que la loi protège en France, mais aussi aux millions de celles dans le monde qu’aucune loi ne protège».
NDLR : Claude Malhuret a été président de «Médecins sans frontières» (1978-1980), cofondateur du site Doctissimo et président du groupe parlementaire «Les Indépendants - République et Territoires.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja