Avœux d'impuissance

C’est classique, voire mécanique, machinal. Les vœux du Nouvel An sont ainsi faits. On reprend les mêmes et on recommence à chaque début d’année. Pire, avec l’avancée des nouvelles technologies, on recourt aux gif pour exprimer ce que le cœur ressent et ce que la tête pense. Et on envoie le même gif à tous ses proches et connaissances. À l’époque des cartes de vœux que l’on devait envoyer par voie postale, il fallait faire preuve d’imagination et d’inspiration pour trouver diverses formules aussi originales les unes que les autres pour les correspondants. Radoter les mêmes vœux était à la fois barbant pour l’esprit et usant pour les mains. Aujourd’hui, les nouvelles technologies facilitent les choses certes mais abêtissent les hommes. Autant le téléphone portable isole les uns des autres, autant les gif et les formules préfabriquées chloroforment l’intelligence et réduisent davantage ce qui reste d’humanité dans les relations sociales.

Et on se souhaite une nouvelle année pleine de réussite et de bonheur, agrémentée de santé et de sécurité tout en sachant qu’il s’agit de litanie qu’un perroquet aurait récité sans coup férir. À preuve, l’année 2024 commence par un cyclone qui a déjà fait des dégâts à Morombe et à Mananjary. Et cela ne fait que commencer. Le président de la République a souligné dans son discours à la Nation qu’il n’y a pas de solution immédiate pour le délestage et les coupures d’eau. Il a eu le courage de ne pas jouer le démagogue mais les contribuables doivent ronger leurs freins. Le calvaire va donc perdurer pour un bon bout de temps encore.

Il est devenu difficile de souhaiter de bonnes choses avec la conjoncture actuelle. Il faut être réaliste et faire des vœux qui peuvent se réaliser. Mieux vaut laisser à chacun de faire ses propres vœux pour ne pas avoir des désillusions. Tout le monde fera de l’année nouvelle celle qu’il voudra qu’elle soit. Inutile de faire des vœux qui ont de moins en moins de chance de se réaliser.

On vit avec les réalités qui existent et qui empêchent de rêver de la lune ou des étoiles. Avoir une santé de fer est presque impossible même à coup de prière et avec une orgie de vœux. Outre le stress dû aux difficultés de l’existence, le coût des soins et des médicaments font des centres de santé de véritables mouroirs publics.

Quant à l’insécurité, l’année écoulée a été marquée par la recrudescence sans précédent des kidnappings, des décapitations et des coupures de tête. Sans oublier les attaques armées dont l’intensité n’ont pas baissé d’un iota depuis plusieurs années.

Difficile dans cette conjoncture qui tire sa cause dans une pauvreté dont la profondeur se creuse davantage de faire de vœux sans complaisance au delà des formules convenues et des souhaits de circonstance. Tout vœu est inévitablement fait d’impuissance et de fatalité face à un avenir incertain et compliqué.

Mais on ne se lassera pas de souhaiter bonne année aux uns et aux autres comme si de rien n’était. C’est bon pour le moral.

Sylvain Ranjalahy 

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