SECTEUR PRIVÉ - Entre amorce de reprise et doutes conjoncturels

Les  entreprises agricoles ont. fait preuve de résillience

Si l’on se base sur la dernière enquête sur la conjoncture économique (ECE) réalisée par  Banky Foiben'i Madagasikara (BFM), ainsi que les récentes déclarations des groupements patronaux et professionnels, les entreprises entrevoient une lueur d’espoir concernant la reprise de leurs activités tout en redoutant les incertitudes et les risques liés au contexte socio-politique.

L’enquête sur la conjoncture économique effectuée par BFM auprès d’un peu moins de 200 entreprises, pour la 3ème trimestre de cette année, note une reprise d’activités dont l’importance est proche de celles prédites par les sociétés sondées. La banque des banques a expliqué, en outre, que l’agrégation des opinions et perceptions des dirigeants d’entreprises « montre une reprise de leurs activités au deuxième trimestre de 2023 » et qu’ils ont déjà « prévu cette augmentation pendant la collecte de données d’avril ».

Ce sont surtout les ventes et les carnets de commande qui ont enregistré des hausses significatives. L’investissement est resté stable et les bénéfices ont enregistré une légère hausse. L’emploi est en léger recul. Par ailleurs, l’amélioration concerne en particulier les grandes entreprises du secteur secondaire. Cela montre que cette reprise reste encore segmentée et elle est à consolider. Les coûts de productions et les prix de vente ont augmenté par rapport à ceux du premier trimestre de 2023.

Les mêmes répondant à cette enquête prévoient une accélération de la reprise à partir du troisième trimestre de 2023. Toutefois, concernant l’embauche, les chefs d’entreprises resteraient encore prudents en évoquant une légère hausse sur cette rubrique. Une majorité d’entreprises prévoit une stabilité de leurs prix de vente. Pour la question, à possibilité de réponses multiples, concernant les contraintes au développement de leurs activités, les modalités « incertitude de la conjoncture économique », « incertitude du contexte socio-politique » et « délestage » ont chacune obtenu plus de 70,0 pour cent de réponses. L’« insuffisance d’équipement ou de matériels », les « problèmes liés aux réseaux de transports » et l’« insuffisance de main d’œuvre », ont obtenu chacun moins de 20,0 pour cent de réponses.

Les entreprises manufacturières et de services ont pu reprendre leurs activités, après des baisses significatives au trimestre précédent. Les entreprises agricoles ont fait preuve de résilience, affichant une prédominance d'opinions positives sur l'évolution de leurs activités. La courbe des soldes d'opinion agrégés est ressortie en territoire positif, traduisant une dynamique plus favorable de l'économie pour la période sous revue. Elle s'explique par la reprise de la demande intérieure, soutenue par la consommation finale privée. De plus, la demande extérieure a progressé bien qu'à un rythme plus marginal dû au ralentissement de la croissance des principaux pays partenaires de Madagascar.

Sur la période avril-juin 2023, plus de 40% des chefs d’entreprises ont déjà noté une évolution positive des ventes. De même, l’afflux des commandes a été substantiel. Pour le secteur secondaire, il s’agit d’un retournement de tendance des ventes qui ont augmenté pour la première fois, après deux trimestres de contraction. Les opinions positives sur l’évolution des ventes dans ce secteur l’ont emporté de +31,3 pour cent par rapport aux avis négatifs. Ce solde d’opinion avait enregistré -69,8 pour cent au quatrième trimestre de 2022 et -26,1 pour cent au troisième de 2023. 

En outre, les flux d’échanges de services sont repartis à la hausse après avoir subi un choc transitoire au début de l’année. Concernant les entreprises agricoles formelles, leurs performances en matière de ventes ont continué de se renforcer. Pour les entreprises de taille moyenne, la situation de leurs ventes s’est aussi améliorée mais légèrement. Pour les microentreprises, le statut quo a été observé selon les déclarations recueillies, tandis que les ventes des petites entreprises continueraient de baisser. En même temps, à l’exception des grandes entreprises qui ont enregistré un bond significatif des commandes (+45,0 %), tous les autres groupes d’entreprises attendent encore la reprise.

L’investissement se stabilise 

Selon toujours les résultats de l’enquête de BFM, l’investissement du secteur privé formel a quasiment été au même niveau qu’au premier trimestre, selon les chefs d’entreprises. Le solde d’opinion correspondant a été de 0,4 pour cent, contre -22,4 pour cent pour la précédente période. Les incertitudes du contexte économique et socio-politique constitueraient des facteurs dissuasifs, freinant les activités y compris l’accumulation d’actifs fixes. 

L’emploi, pour sa part, a continué de reculer pour la deuxième fois depuis le début de cette année, mais dans une moindre mesure. L’embauche était en hausse (+12,6 %) pour les services, alors qu’elle était en baisse dans le reste de l’économie. Les coûts d’exploitation, les coûts unitaires de production et les charges du personnel continuent d’augmenter, et les bénéfices réalisés en légère hausse. Le deuxième trimestre de 2023 a été caractérisé par une hausse globale des coûts. Les coûts d’exploitation hors énergie ont augmenté pour 43,3 pour cent des entreprises, mais ont diminué pour 9,4 pour cent d’entre elles. 

Les secteurs primaire et tertiaire ont été les plus touchés par cette augmentation des coûts d’exploitation. Par rapport à la taille, les microentreprises ont été les plus concernées, avec un solde d’opinion de +45,8 pour cent. Le même scenario a été observé au niveau des coûts unitaires. En effet, la proportion des entreprises qui ont évoqué une hausse des coûts unitaires a été de 26,4 pour cent, contre 15,1 pour cent qui ont constaté une baisse, soit +11,2 pour cent en solde d’opinion. Le secteur primaire a été le plus concerné par cet accroissement des coûts unitaires, avec +47,2 pour cent en solde d’opinion. 

Toutefois, le secteur secondaire a été le seul secteur qui a connu une baisse des coûts unitaires, avec -10,4 pour cent en solde d’opinion. Au niveau des charges liées à la rémunération du personnel, une hausse a été constatée. La proportion des entreprises ayant évoqué une hausse a été de 35,0 pour cent, tandis que celles qui ont déclaré une baisse représentaient 10,3 pour cent, soit+ 24,8 pour cent en solde d’opinion. Le secteur primaire a été le plus touché par cette augmentation des charges du personnel. L’accroissement des charges de rémunération a été plus important au niveau des entreprises de taille moyenne et des grandes entreprises. 

La hausse de l’ensemble des coûts a contribué à réduire les bénéfices réalisés au cours du deuxième trimestre. Une proportion non négligeable des entreprises (28,8 %) ont déclaré une diminution des bénéfices. Cette baisse a été plus évidente au niveau des secteurs primaire et tertiaire. Le secteur secondaire a été le seul secteur ayant constaté une hausse des bénéfices au cours du trimestre sous-revue. Par rapport à la taille de l’unité de production, la baisse de bénéfices a été plus prononcée au niveau des petites entreprises et celles de taille moyenne. 

Le secteur de la transformation prévoit une reprise significative

Faire face aux incertitudes

À l’image de la situation du premier trimestre de 2023, l’incertitude de la conjoncture économique a été le principal obstacle au développement des activités (évoqué par 81,6 % des entreprises). Particulièrement constaté par 73,5 pour cent des entreprises, l’ « incertitude du contexte socio-politique » a été la deuxième contrainte. Les troisième et quatrième contraintes ont été respectivement le « délestage » et la « fiscalité », observées respectivement par 72,7 pour cent et 47,8 pour cent des entreprises. Sur la période, les « problèmes liés aux réseaux de transports » et l’ « insuffisance de la main d’œuvre » ont été les facteurs les moins influents sur les activités (propos évoqués respectivement par 7,8 % et 6,7 % des entreprises).

Au deuxième trimestre de 2023, l’Indicateur Synthétique d’Activité des Entreprises (IAE) est de 10,6 pour cent. Cette réalisation est proche de la prévision de 9,2 pour cent issue des réponses des entreprises pendant la collecte d’avril. L’augmentation a été enregistrée par les entreprises du secteur secondaire. Des reculs relativement faibles ont été observés chez les secteurs primaire et tertiaire. La classification par taille des entreprises dévoile le fait que la reprise concerne surtout les grandes entreprises.

En ce qui concerne les perspectives, les entreprises prédisent une accélération de la reprise, à condition que la conjoncture socio-politique ne se retourne. « L’amélioration serait plus inclusive en termes de secteur d’activité (secondaire et tertiaire) et en termes de taille d’entreprises (grandes entreprises et entreprises de taille moyenne) », peut-on lire dans le rapport d’enquête. Ainsi, de meilleures perspectives sont pressenties avec une anticipation à la hausse des ventes (+21,2 %) et des commandes (+25,5 %) par rapport au premier semestre de l’année. 

Selon la taille, les grandes entreprises et celles de taille moyenne seraient les plus actives. Ce dynamisme dans les activités inciterait les chefs d’entreprises à investir davantage. Tous les secteurs d’activité seraient concernés à des degrés différents. Le secteur secondaire serait le plus enthousiaste à investir, suivi du secteur tertiaire et du secteur pr­imaire. En outre, un renflouement de leur effectif est prévu par le secteur tertiaire et par le ­­­secteur primaire.

CONJONCTURE - Réactions du secteur privé

le secteur privé multiplie les appels à la préservation de la stabilité
La conjoncture socio-politique actuelle est loin de rassurer les acteurs du secteur privé. Les entreprises redoutent les conséquences économiques d’une éventuelle nouvelle crise politique. Dès le mois d’octobre dernier, nombre de groupements professionnels et de leaders patronaux sont montés au créneau pour appeler les acteurs politiques à la raison afin de préserver la stabilité socio-politique afin que l’économie ne connaisse un nouvel effondrement. Rivo Rakotondrasanjy, le président du Fivmpama et de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo, a rappelé dans une lettre ouverte que l’économie malgache ne s’est pas encore remise des crises successives, alors qu’en ce moment le pays fait de nouveau face à une menace d’une éventuelle crise.

Pour sa part, le Groupement des Entreprises de Madagascar (GEM), qui tiendra son Assemblée générale ordinaire et son Conseil exécutif le 29 novembre prochain, a publié un communiqué prônant « l’apaisement pour éviter une cinquième crise politique aux conséquences socio-économiques potentiellement désastreuses ». Pour cette plateforme patronale, une potentielle nouvelle crise entraînera inévitablement une forte dégradation de l’économie. 

« À un moment où l’économie nationale est déjà fragile, le pays ne peut se permettre de s’aventurer dans une nouvelle crise politique ». Le GEM a rappelé également qu’une mission d’évaluation de l’United States congressional delegation est en cours concernant l’éligibilité de Madagascar à l’AGOA (African Growth and Opportunities Act). 

C’est aussi à travers un communiqué que le Groupement des Femmes Entrepreneurs de Madagascar (GFEM) a tenu à exprim­­­­er son inquiétude quant à l’évolution de la situation politique et son souhait de maintenir la stabilité économique et social du pays. « La situation actuelle du monde, avec ses incertitudes et ses bouleversements, nous rappelle la nécessité d’une vigilance constante (…). Le GFEM insiste sur le fait que la stabilité de Madagascar est essentielle pour permettre aux femmes entrepreneurs de prospérer et de contribuer pleinement à l’économie du pays. Nous exhortons toutes les parties concernées à rechercher l’intérêt supérieur de la nation, de l’entrepreneuriat en général et de l’autonomisation économique des femmes en particulier ».

VERBATIM

Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison, ministre de l'économie et des ­­­­finances

« Notre économie a démontré une certaine capacité de résilience. Après la récession de 2020, provoquée surtout par la pandémie de Covid-19, nous avons affiché une croissance positive de 5,7%, suivie d'une stabilisation en 2022. En 2023, notre objectif est de maintenir ce rythme de croissance. Mais la redynamisation de l’économie et la reprise des activités des entreprises ne pourront se faire que dans un environnement marqué par la stabilité ».

Rivo Rakotondrasanjy, président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Antananarivo (CCIA).

« Le secteur privé et le partenaire public ont pu mettre en place le Pacte pour la programmation industrielle de Madagascar. Le but de la démarche était d’instaurer une plateforme de dialogue qui se veut être pérenne et de sortir une vision qui va au-delà de tout ce qui est considération politique pour une vision pays qui s’étale dans le temps. Le principal facteur qui va assurer la stabilité et la continuité de ce Pacte sera la stabilité, particulièrement celle de la politique ».

LES ACTIVITÉS DES ENTREPRISES EN CHIFFRES

L'Express de Madagascar

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