Madagascar doit gérer plusieurs séquences, qui devaient idéalement s’étaler dans le temps, mais qui s’imposent simultanément en urgence. Et d’ailleurs, un Chef d’État digne de ce nom ne devrait jamais exposer un pays et sa population à pareil quitte ou double.
Comme ce n’est malheureusement pas la première fois que ça arrive à Madagascar, il est vital de supprimer les conditions qui permettent l’éclosion, la floraison et l’enracinement de ceux qui deviennent les «problèmes de ce pays».
L’extrême pauvreté, conséquence de la mauvaise gouvernance, devient par une ironie paradoxale l’instrument du maintien au pouvoir de ceux qui ne songent pas un seul instant sérieusement venir en aide aux pauvres.
Ces derniers mois, en articulation avec ACEP, une institution de micro-finance (IMF), concept dont la vocation originelle était de combattre la pauvreté, j’ai beaucoup appris des études et analyses de figures depuis devenues Prix Nobel : Joseph Stiglitz (prix de la Banque centrale de Suède considéré comme le «Nobel d’économie», en 2001), Muhammad Yunus (Nobel de la paix, en 2006), Esther Duflo et Abhijit Banerjee («Nobel d’économie», en 2019).
Je partage quelques passages du livre «Repenser la pauvreté» (Esther Duflo et Abhijit Banerjee) pour situer une réalité qui emportera notre certaine idée de société si nous continuons à l’ignorer :
En sciences sociales, comme dans la littérature, les pauvres sont dépeints tantôt paresseux, tantôt entreprenants, tour à tour dignes ou voyous, virulents ou apathiques, impuissants ou ne comptant que sur eux-mêmes. Toutes ces idées accordent peu de place à ces hommes et femmes ordinaires, à leurs espoirs et à leurs doutes, à leurs possibilités et à leurs aspirations, à leurs croyances et à leurs incertitudes. Lorsqu’on leur accorde une place, les pauvres figurent généralement comme les acteurs d’anecdotes tragiques ou édifiantes, des êtres dignes d’admiration ou de pitié, mais jamais comme une source de connaissance, ni comme des personnes qu’il importerait de consulter pour savoir ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent ou ce qu’ils font.
Ces personnes qui vivent avec si peu sont par ailleurs exactement comme le reste d’entre nous. Ils éprouvent les mêmes désirs, ils ont les mêmes faiblesses ; les pauvres ne sont pas moins rationnels que les autres, au contraire. Précisément parce qu’ils possèdent si peu de choses, ils se montrent souvent extrêmement prudents dans leurs choix : ce n’est qu’en développant une économie très complexe qu’ils peuvent survivre.
Commençons par comprendre comment les pauvres prennent des décisions. Peut-être les pauvres sont-ils si préoccupés par des problèmes immédiats qu’ils n’ont pas l’espace mental nécessaire pour s’intéresser au futur, ou peut-être est-ce tout à fait autre chose qui est en jeu. Répondre à ces questions nous permet de comprendre ce que les pauvres ont de spécifique - si tel est effectivement le cas. Vivent-ils comme n’importe qui d’autre, à ceci près qu’ils ont moins d’argent, ou y-a-t-il quelque chose de fondamentalement différent dans le fait de vivre dans l’extrême pauvreté ? Et si cette situation a effectivement quelque chose de spécifique, est-ce susceptible d’empêcher les pauvres de sortir de la pauvreté ?
Nasolo-Valiavo Andriamihaja