Une fois le rapport des forces contraignant à l’exil des dirigeants qui n’eurent ni le bon sens ni la dignité de démissionner, les communiqués internationaux pleuvent pour éteindre la braise d’une révolte longtemps contenue.
Par exemple, que dit l’Union africaine : «engagement réitéré du gouvernement au dialogue». Où donc est la simple allusion aux «bavures» officielles pourtant largement documentées ? Pourquoi n’y a-t-il jamais aucune exhortation à faire preuve de «retenue» tant que le gouvernement semble avoir la situation sous contrôle ? La gravité du cas émotionne subitement les officines à communiqués, une fois seulement que le pouvoir vacille. Qu’importe l’usage disproportionné de la force et les pillages en commandite présidentielle, c’est aux seuls protestataires de s’en tenir à un comportement civilisé.
L’UA invoque la «Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance». Nul besoin d’aller plus loin que le préambule pour constater la distorsion entre le discours et les faits : «démocratie, bonne gouvernance, participation populaire, État de droit, droits de l’homme», «tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes, conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et impartiaux». Éléments d’un langage convenu et récitation d’un discours politiquement correct.
Depuis la «Déclaration de Lomé» (2000) face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, l’IA recense dix-huit changements anticonstitutionnels de gouvernement dûment reconnus et sanctionnés par l’UA. Dont le coup d’État de mars 2009, à Madagascar.
Avant de s’obliger des objectifs pieux comme «interdire, rejeter et condamner tout changement anticonstitutionnel de gouvernement», «instaurer, renforcer et consolider la bonne gouvernance», les instances internationales devraient mettre en place les outils de mesure de la réalité de la démocratie et de la bonne gouvernance dont l’existence exclurait naturellement tout prétexte à protester, contester, manifester.
On peut également évoquer la «Décision d’Alger» (1999) sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement : mais, quand de tels principes aboutissent à interdire l’idée même de protestation, qui s’invite fatalement hors des travées parlementaires puisqu’elle est interdite de voix dans les institutions, ces bien grands mots deviennent les «instruments» d’immunité des régimes en place, même et surtout les plus abjects.
Eau, électricité, routes, écoles, hôpitaux, sécurité de soi et des siens, sécurité des biens, justice, croissance partagée : les services publics défaillaient tandis que des intérêts privés prospéraient. Y eut-il jamais communiqué de remontrance contre le régime ?
Quand c’est le pouvoir en place qui dévoie l’esprit et le texte de la Loi fondamentale, on vit sous légalité scélérate. Seuil au-delà duquel les «legal mechanism», «rule of law», «democratic process», «constitutional order», ne peuvent insulter indéfiniment la dignité humaine.
Le respect de la Constitution s’impose au gouvernement comme aux gouvernés. Aucun rappel à l’ordre international cependant tant que c’est le pouvoir en place qui transgresse la loi. Et puisque les cadres institutionnels établis sont confisqués et verrouillés, ils ne permettent pas la pleine expression «légale» et «constitutionnelle» du ras-le-bol.
«Retour rapide à la constitutionnalité normale», peut-on lire encore. «Normalité» équivoque, sur la base de ce texte de 2010, proposé à référendum dans les conditions plus-qu’imparfaites de consultation populaire et en fraude à l’accord politique avec les autres «mouvances» (Chronique VANF, «Une base légale introuvable», 13.06.2013). «Constitutionnalité» nécessairement bâtarde avec les vacances successives qu’il convient d’ailleurs de constater. «Retour» inconcevable des personnages de la république des bidons jaunes, comme si de rien n’avait été.
Des élections parfaites pour clôturer la pire parenthèse de notre histoire. La loi n°2018-027 promet une base de données numériques des naissances, reconnaissances, décès, mariages, adoptions simples et rejets, transcription des décisions de justice devenues définitives. Une fois l’état-civil national entièrement numérisé, il sera attribué à chaque personne, dès la naissance, un numéro unique d’identification qui lui sera associé jusqu’à sa mort. Plus de liste électorale lacunaire, de dépouillement archaïque, de proclamation après prolongations. Des listes électorales sans fantômes, un vote électronique sans encre indélébile, des résultats exhaustifs sitôt le dernier bureau de vote fermé.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja