L’histoire a eu maintes fois rendez-vous avec la place du 13 mai, habituée à être le carrefour où se décide une nouvelle voie. C’est là que les frustrations débordent et s’expriment avec toute la force qui fait jaillir la chaleur de la lave, produite par les coups durs de la vie, libérée par toutes ces années où les conditions sont favorables à son éclosion. Récemment, on a donc vécu une nouvelle saison de cette série qui relate les grands bouleversements politiques qui ont secoué l’histoire du pays, avec à peu près toujours les mêmes péripéties. Les personnages ont cependant du mal à retenir les leçons du passé.
C’est donc depuis cette place du 13 mai que toute la colère et toute la rage d’une foule d’individus qui, s’estimant spoliés de leurs besoins fondamentaux et essentiels, aspirent à changer l’histoire comme le firent leurs prédécesseurs des années 1972, 1991, 2002, 2009 et 2018. Et récemment, on a vécu un de ces tournants qui ont, généralement, influencé l’issue : une partie de la grande muette qui a choisi de parler et de faire parler d’elle. On est donc entré dans un chapitre qui, habituellement, s’annonce décisif pour la suite. Et on voit que, malgré le caractère répétitif du processus, les mêmes erreurs se reproduisent.
Quand les besoins fondamentaux peinent à être satisfaits, l’ébullition peut atteindre une phase critique propice à l’explosion. Non endigué, le processus peut mener, chez nous, sur la place du 13 mai, où est déviée cette quantité extrême de fureur. Un schéma familier mais qu’oublient toujours de considérer ceux qui, selon Max Weber, détiennent le “monopole de la violence légitime”. Un privilège qui est cependant trop souvent détourné vers d’autres voies dans les moments où la place du 13 mai exerce sa force d’attraction. Et on le sait, les mêmes causes ont tendance à produire les mêmes effets, un précepte qui ne demande qu’à être assimilé par les concernés.
La place du 13 mai reste, dans la mémoire collective, cet espace d’apparition où, selon Hannah Arendt, les individus, avec leurs semblables, s’affirment dans l’exercice de l’action, qui ne relève ni du travail ni de l’œuvre. Il est ainsi nimbé de la croyance selon laquelle il est un lieu d’où le changement peut surgir et d’où s’édifie un monde commun. Les acteurs politiques peuvent peut-être favoriser l’émergence d’autres lieux d’apparition s’ils veulent éloigner le spectre du 13 mai.
Fenitra Ratefiarivony