On peut tous ressentir ce besoin de se détacher du milieu anxiogène qu’est devenu notre monde, choisi comme terrain de différents drames qui illustrent la tendance destructrice humaine. Respirer cet air produit par les différentes dévastations remplit les poumons de stress et d’une dépression en puissance qui est déjà en acte chez beaucoup d’individus. Il ne se passe pas un jour sans que les actions humaines ne fassent preuve de leur terrible potentiel, leur monopole de la violence destructrice. Ainsi se construit l’essentiel de l’actualité qu’on aimerait bien voir moins sombre.
Aux quatre coins du monde se produisent des motifs de deuil. Le Proche-Orient est ainsi toujours le théâtre privilégié des bombes, Katmandou s’enflamme, au sens propre et au sens figuré, par le réveil de la génération Z, les cieux polonais et roumains, qui sont survolés par des drones russes, illustrent la complexité d’un conflit et la difficulté pour la paix d’émerger quand elle est noyée par les instincts guerriers... Et la violence s’inscrit dans la routine où elle rejoint d’autres faits «normaux». Le vacarme tumultueux du monde ne cesse ainsi de nous submerger, étouffant les aspirations à la paix qui sont le fond de la plupart des discours officiels.
René Girard a vu la violence comme ce qui peut fonder le lien social : un désir mimétique (imitation des désirs de l’autre) canalise la force agressive d’un groupe vers ce qu’il a désigné comme «bouc émissaire». Ce mécanisme est ainsi toujours en mouvement, s’active dans toutes ces manifestations de ce processus où un groupe désigne l’autre comme la source des maux à abattre. Le monde semble alors condamné à rester une immense arène où s’épanouit l’instinct violent de Homo sapiens. C’est comme si l’ouverture de la boîte de Pandore avait emprunté, pour que les maux puissent s’affirmer, la voie de la violence. Et restée au fond de cette boîte, l’espérance attend son heure.
Pour Ernst Bloch, l’homme possède cette autre faculté qui contient aussi, en elle, le pouvoir d’écrire l’histoire : l’espérance. Et c’est dans l’exercice de cette compétence que peut s’affirmer ce que Bloch appelle une «utopie concrète», où sont présents des désirs qu’un grand nombre veut voir réalisés, comme celui d’une paix mondiale. L’«utopie concrète» détient en puissance les révolutions, elles n’attendent qu’à être mises en acte. Et l’homme a aussi en lui ce pouvoir de façonner le «pas-encore» pour bâtir en partant des rêves.
Fenitra Ratefiarivony