Scandale routier

«Ce n’est plus une route, mais un scandale » écrivais-je à propos de la RN4, en août 2022. Bourbier, cratère, parcours amphibie : les innombrables photos publiées sur Facebook constituent des témoignages accablants de la ruine des routes malgaches. Ces derniers mois, j’ai pu faire Tana-Diégo (RN4 + RN6), Tana-Toamasina (RN2) et Tana-Tuléar (RN7) pour attester qu’Ambondromamy-Antsohihy, Brickaville-Toamasina ou Sakaraha-Tuléar sont un calvaire automobile. 

Sur la RN7 de mille kilomètres, déjà la première portion Tana-Antsirabe-Ambositra-Ambohimahasoa-Fianarantsoa-Ambalavao, autrefois parcours bucolique, éreinte les nerfs des humains et éprouve rudement la mécanique. 

Est-ce qu’il s’agit encore de voyager quand on doit rouler sur les bas-côtés parce que la route n’en est simplement plus une. En certains endroits, les voitures disparaissent dans des ornières qui engloutissent la hauteur d’un taxi-brousse surchargé de plus des 80 centimètres réglementaires de bagages sur le toit. Partout, on avale une tonne de poussière avant de tomber sur un lambeau intact d’un bitume des années soixante. Le pays ambitionne recevoir un million de touristes : j’imagine chauffeurs et guides touristiques, honteux ou désabusés, expliquer laborieusement ce chaos. 

Comme dans la restauration, un voyage à Madagascar se programme en appliquant un coefficient : puisque 100 kilomètres, qui se cruisaient en plus ou moins une heure, en nécessitent désormais le triple. À une époque pas si lointaine, quand la route était imprimée sur un billet de banque, ils n’étaient pas rares les routards à raconter atteindre Diégo ou Tuléar dans la journée, sans forcer. Le terminus de la RN7 et celui de la RN6 s’atteignent désormais au terme d’une expédition de 24 heures non-stop.  

Juillettistes et aoûtiens sont nombreux sur les routes en cette période de grandes vacances. C’est pourtant la saison choisie pour faire (enfin) des travaux. Des panneaux «Stop» et «Go» imposent une circulation alternée et obligent à des arrêts qui font encore perdre du temps, comme pour couronner l’exaspération. 

Notre progrès vers le passé se lit dans le parc automobile : rehausse et snorkel ne sont pas des accastillages de salon-auto pour des engins qui partent affronter le dur terrain d’une «Nature Cinq Étoiles» qui ne s’est finalement jamais trop éloignée de l’état de nature. 

Nouveauté (Hyundai Terracan), en comparatif (Mitsubishi Montero et Hyundai Galloper), et sujet du dossier occasion (Toyota Hilux) dans le 4x4 Magazine de juin 2001, les anciennes connaissent une seconde jeunesse sur des nationales malgaches devenues routes secondaires. Finalement, avec le retour du design angulaire, leur forme carrée n’a pas pris une ride parmi les modernes Wrangler ou Classe G, voire les Ranger et Amarok qui rivalisent de virilité à angles droits. 

Mécanique éprouvée, réputée sans caprices électroniques, construite avec des pièces adaptables par l’ingéniosité de petits garages du bout du monde. Dire que, dans ma lointaine enfance, on faisait Fort-Dauphin avec la R16 de mon père dont le large hayon semblait conçu pour le parfait alignement des cartons d’échantillon médical Théraplix. Dans les conditions actuelles, croiser une vaillante 4L, rescapée de l’enfer et près d’atteindre sa destination sur les rives de Canal du Mozambique, était dans l’ordre des choses. 

Nasolo-Valiavo Andriamihaja

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