Je n’ai pas beaucoup fréquenté les écrits de Jean Fremigacci, mais je leur dois, à lui et ses huit autres collègues dont les noms figurent en frontispice de la toute première livraison (n°1-2, janvier-juin, juillet-décembre 1975), la constitution d’une collection de la revue d’études historiques «Omaly sy Anio».
Dans sa contribution à ce premier numéro, Jean Fremigacci disséqua «La construction du chemin de fer Tananarive-Antsirabe (1911-1923), qu’au bout de 260 notes en bas de page, il condamne sévèrement : «Il est certes d’un usage courant, en politique, surtout coloniale, de dissocier les actes des intentions proclamées, et les moyens des fins. Mais rarement la distorsion aura été plus nette qu’à Madagascar au lendemain de la Grande Guerre».
Bien sûr, Jean Fremigacci avait étudié d’autres pans de l’histoire de Madagascar et de la bibliographie sélective, que j’avais établie voilà des années, je choisis un peu arbitrairement les cinq titres ci-après.
«Les chemins de fer de Madagascar, une modernisation manquée (1901-1936)», Afrique et histoire, vol.6 (2006/2) pp.163-191.
«Madagascar novembre 1946, les élections, étape décisive vers l’insurrection», dans Les élections législatives et sénatoriales outre-mer (J.Weber, dir.), les Indes Savantes, Paris, 2010, pp. 339-354.
«Apogée et mise à mort de la coopération universitaire France-Madagascar (1975-1992)», Outre-mers, numéro 384-385 (2014/2 ), pp.81-102.
«Bataillons marocains en campagne à Madagascar», dans Défendre l’empire (F. Garan, dir.) Paris, éditions Vendémiaire , 2013, pp. 41-96.
«Madagascar ou l’éternel retour de la crise», Afrique contemporaine, n°251 (janvier 2015), pp.123-140.
«Indes savantes», «Afrique contemporaine», «Outre-mers» : même l’éclectisme des collections littéraires me semble traverser en diagonale les réalités multiples de notre complexe archipel intérieur, donnant à notre insularité un rien supplémentaire d’encore plus fascinant.
L’empathie des universitaires malgaches à l’annonce de son décès est rassurante par rapport à certains autres propos qui voudraient récuser de l’objectivité aux analyses produites par des chercheurs étrangers. En lui exprimant leur sympathie, collègues et étudiants malgaches réaffirment simplement que l’expertise vraiment scientifique n’a pas de nationalité. C’est un peu le credo en Avant-propos du tout premier «Omaly sy Anio» : «La recherche du point de vue exact, d’où le jugement historique devient légitime, apparaît le souci premier».
Le parcours malgache de Jean Fremigacci avait commencé au lycée Gallieni d’Andohalo. Il est dommage que les Anciens du «Bahut» ne témoignent pas plus souvent de la richesse de l’enseignement et de la culture générale dispensée au sein de ce grand établissement scolaire. La liste des enseignants dont j’ai ouïe dire et les outils intellectuels dont ils avaient su équiper nombre de leurs élèves mériteraient un développement d’une autre ampleur qu’une brève note d’Obituary.
Nasolo-Valiavo Andriamihaja