Ces derniers jours, on a assisté à une énième démonstration de force d’un type de bruit dont la capacité d’accaparement peut toujours parasiter les discussions et les débats. Le dernier sujet, qui a submergé les réseaux sociaux, nous a rappelé la puissance du buzz, cette force qui monopolise les esprits avec sa saveur du scandale qui rend fades les autres points sérieux qui ne demandent qu’à être considérés par nos neurones, affaiblis par cette intoxication par la superficialité et la frivolité.
On raconte qu’un jour, Diogène le Cynique offrit un discours sérieux sur la place publique mais fut ignoré par la foule. Il se mit alors à gazouiller et à imiter le cri des oiseaux qui eurent plus de magnétisme que ses précédentes paroles qui sollicitèrent la faculté de réflexion, si précieuse. Sa conclusion fut sans appel : «je vous reconnais bien là, vous n’écoutez que les sornettes et n’avez que dédain pour les choses sérieuses.» Et des siècles plus tard, chez nous, le constat est aussi terrible qu’à l’époque de l’Eccclésiaste qui a écrit le fameux «rien de nouveau sous le soleil.»
Le temps a beau ne pas épargner les cultures, les civilisations... qui ont eu le malheur d’avoir été traversées par sa redoutable gomme, ce qui a été relevé chez les contemporains de Diogène se retrouve chez les nôtres. Les contenus d’une profondeur qui peut changer la vie subissent l’enfer de l’indifférence et ne font, paradoxalement, pas le poids face à la vacuité de beaucoup de sources de buzz qui entretiennent le sommeil de l’esprit critique. Les récents événements, reflétés par le miroir des réseaux sociaux où les sujets qui nourrissent vraiment l’esprit ont un nombre dérisoire de likes et de partages.
Guy Debord, dans son ouvrage emblématique La Société du Spectacle (1967), évoque une existence vécue comme un spectacle qui pervertit la perception de la réalité, submergée par la consommation immodérée d’images qui éloignent de toute substance. Aujourd’hui, comme ce fut le cas dernièrement, différentes plateformes chronophages, qui engloutissent nos journées, passent des images qui attirent les yeux et éloignent le cerveau des activités enrichissantes et intellectuellement stimulantes.
L’univers du roman Fahrenheit 451 (R. Bradbury, 1953) est plus proche du nôtre qu’on ne le pense. Bradbury a imaginé une société qui vit sous l’emprise des médias qui donnent des divertissements sans fond. Une situation qui a fait de l’activité réflexive une anomalie. Le héros, Montag, s’en extrait à travers la lecture et l’acquisition de connaissances, les grandes oubliées de notre système, ce mur qu’on peut franchir, comme le disait Jean-Jacques Goldman, «à coup de livres».
Fenitra Ratefiarivony