Aujourd’hui, quand les horloges de Washington sonneront les douze coups de midi, le monde entamera un nouveau tournant: un des principaux poumons de la géopolitique mondiale connaîtra, d’après certaines analyses, une autre mutation sur laquelle doivent s’adapter les autres nations prises dans la toile de la mondialisation. Ce jour est un autre de ces 20 janvier particuliers, un statut que cette date retrouve tous les quatre ans, un autre symbole de la grande stabilité politique américaine, cette exception qui a réussi l’exploit de garder toute la vigueur d’une constitution vieille de plus de deux siècles.
L’histoire nous apprend que cette pratique de la date fixe pour l’investiture d’un Président des États-Unis est aussi vieille que leur loi fondamentale. Ceux qui vécurent la «jeunesse» de cette désormais honorable constitution eurent rendez-vous avec le 4 mars pour donner du temps et de la sérénité aux dépouillements qui suivent les élections de novembre, et aussi pour mieux préparer le Président élu pour son déplacement vers Washington. Quatre longs mois qui voient le président sortant exercer le pouvoir dans le cadre d’une transition fragile qui lui donne l’image d’un «lame duck” (”canard boiteux”) qui voit son pouvoir handicapé par une paralysie partielle. Une situation qui a favorisé l’imposition du 20 janvier, en vigueur depuis 1933, lorsque l’évolution technologique a réduit l’attente.
Pierre Bourdieu a popularisé le terme «habitus», un système de dispositions que le milieu et l’expérience sociale transmettent à l’individu et qui guide ses pensées, ses normes, ses goûts, et ses pratiques qu’il reproduit inconsciemment dans la vie quotidienne. Ainsi, l’histoire américaine, qui s’est déroulée sous le signe de l’invariabilité et de la permanence, a inculqué un «habitus politique» entretenu par la pérennité des mêmes règles électorales, des mêmes rituels qui les accompagnent comme la cérémonie d’investiture présidentielle... qui ont gravé dans les consciences une seconde nature où les valeurs démocratiques et civiques ont leur place.
Et dans un autre pays qui nous est familier, sévit une instabilité chronique marquée par la succession, en à peine une cinquantaine d’années, de quatre constitutions différentes. Doit-on alors encore s’étonner si dans cet environnement qu’on connaît bien, la précarité a infecté la santé politique et s’incruste, par le mécanisme d’un sinistre effet domino, dans tous les aspects de la vie ? Vivant dans un climat politico-social que des années de comportements toxiques ont pollué à l’extrême, l’atmosphère empoisonnée nécessite l’intervention d’un vent fort purificateur ou de fortes précipitations avec les eaux de l’harmonie qui pourront emporter les saletés.
Fenitra Ratefiarivony